Page:Du Flot - Les mœurs du tigre, récit de chasse, 1886.djvu/29

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— Et vous n’avez point essayé de tuer la bête ?

Il me répondit avec un bon sourire :

— Mon cher William, je n’en ai pas eu l’occasion. Et, d’ailleurs, je vous confesserai, en toute sincérité, qu’en eussé-je eu la faculté la volonté m’eût fait défaut. Je me serais cru coupable d’un crime en portant la main sur ce tigre. Je lui devais quelque reconnaissance.

III


En 1838, le vieux prince Sh… Lal… invita les autorités anglaises et les principaux notables européens à assister à des fêtes qu’il donna dans Lucknow.

Dans le programme figuraient des joutes de diverses natures et, tout particulièrement, le combat d’un des grands éléphants royaux contre deux tigres.

Le champ clos était un véritable cirque, avec une double enceinte de bambous de douze pieds de hauteur. Les deux tigres que l’on introduisit étaient de la plus grande taille. Ils commencèrent par faire à plusieurs reprises le tour de l’arène, se faisant admirer des spectateurs, en proie à un véritable enthousiasme. Puis on fit entrer l’éléphant. Je n’en ai jamais vu de plus grand. Celui-ci mesurait seize pieds anglais. Il était admirablement entretenu, propre comme un sou, ayant été brossé à la brique, baigné quatre fois par jour, et, de plus, arrosé de toutes sortes d’huiles de senteur. On le nommait Sandiassamy, et il avait toute une légende de force et de bravoure.

Eh bien ! Sandiassamy ne justifia pas sa vieille renommée. À dire le vrai, il n’y fit point honte. Il traversa quatre fois l’arène, du pas tranquille et sûr d’un héros qui connaît son mérite et se repose sur