Page:Du Flot - Les mœurs du tigre, récit de chasse, 1886.djvu/47

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que je lui avais fait en égorgeant sa mère.

« Mon tigrillon eut une enfance pénible. Il fallut lui ingurgiter le lait à l’aide de tubes que je lui introduisais dans la gorge, en lui écartant les mâchoires, ou d’éponges imbibées que je lui enfonçais entre les amydales. Ce régime artificiel lui permit d’atteindre son troisième mois. Alors, la vie reprit le dessus, la santé se rétablit en un clin d’œil, et mon pupil devint, en peu de jours, de la dimension d’un chat serval.

« À partir de ce moment, la croissance fut aussi normale que rapide. À un an, il avait la taille que vous lui voyez aujourd’hui. Mais il était maigre, et son poil avait de larges plaques vides. Le régime lacté ne lui convenait pas, apparemment. Je ne m’arrêtai pas aux burlesques théories qui conseillent l’abstention de la viande. Je lui donnai d’abord de la viande grillée. Il la dévora avec satisfaction. Puis, je passai sans transition au régime de la viande crue. Mon élève l’accueillit sans autre enthousiasme. Toutefois, l’effet fut prodigieux, en ce sens que les muscles naquirent à vue d’œil et que la fourrure de l’animal répara ses brèches et devint promptement magnifique. Au reste, son caractère ne varia pas. J’avais donc résolu le problème de l’éducation des tigres. »

Et le vieillard ajouta :

— Vous le voyez, c’est une bête splendide aujourd’hui. Il est si docile et si doux qu’il se laisse mordre par mes chiens et griffer par mes singes sans manifester la moindre humeur. Il me