Page:Du Flot - Les mœurs du tigre, récit de chasse, 1886.djvu/9

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les rajahs invitaient fréquemment les officiers anglais des garnisons de Cawnpore et de Futteeghur à des chasses à dos d’éléphant.

Un matin, comme j’achevais de me raser, mon tchaprassi (majordone ou chasseur) vint m’avertir qu’une sorte de fakir demandait à me parler. Croyant qu’il ne s’agissait que d’un mendiant vulgaire, je tirai de ma poche une poignée de païssas et les remis à mon domestique. Celui-ci revint au bout d’une seconde, et me dit que l’Hindou avait refusé l’aumône et qu’il voulait seulement me parler.

Surpris, j’achevai ma toilette et donnai l’ordre d’introduire le singulier visiteur.

L’homme entra. Il appartenait à la dernière catégorie des veïssias (marchands), nu de la plante des pieds au sommet de la tête, à l’exception du langouti qui lui tenait lieu de caleçon.

Il salua de la main, avec la simple formule « Salam,  » et, se redressant fièrement, me dit :

— Sahib, bien que je ne sois qu’un garib-admi (pauvre homme), ce n’est pas pour quelque païssas que je suis venu vous trouver.

— Ah ! — lui répondis-je, voyant sur son corps les cicatrices des terribles fêtes, — tu es un de ces pauvres du Mahatoya et du Churruck Poojah, qui font la pénitence des riches.

Cela lui fit plaisir, et il se dérida. Il me fit connaître alors le but de sa visite. Les rabatteurs du colonel-Steadman, un de mes amis, grand chasseur de tigres, avaient, la veille, perdu de vue un kalabâgh (tigre noir) à la lisière de mes factoreries, et