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LES POIRES D’OR


pirouette, il tomba à genoux auprès du lit du géant affamé qui allongea son unique main pour le saisir et le croquer ! mais dès que la main s’approcha du dos du sonneur, elle fut repoussée comme par enchantement et le géant de hurler : — Ah ! si j’avais l’autre !

— L’autre, riposta le rusé en vidant son sac, l’autre ? la voici ! Et si vous permettez, seigneur, je vais vous la rattacher comme auparavant.

Je n’ai pas le temps de vous raconter l’étonnement de tout ce monde-là : vous saurez seulement que Claudik, sans attendre la permission, se mit à l’ouvrage comme un chirurgien consommé. Quand il eut fini, le géant lui dit en le regardant de travers : Es-tu bien sûr que ça soit solide au moins ?

— Sûr et certain, répondit Claudik, mais votre main ne sera bien recollée, Monseigneur, que trois jours après les noces de Fleur-du-Kranou, avec…

— Avec qui, ver de terre, hurla le géant, avec qui ?

— Avec le fils de ma mère, s’il vous plaît.

Le géant en eut une attaque épouvantable, et l’histoire dit qu’il en mourut.

Claudik épousa Fleur-du-Kranou : il y eut des noces fort belles pendant quinze jours. Je ne puis vous les raconter, ayant été oublié sur la liste d’invitation.

Le poirier d’or transplanté au Kranou, après la mort du père de Claudik, donna toujours des fruits mûrs au bon fils. Il dota ses sœurs généreusement. Enfin je dois vous dire que de ce joli mariage, il ne vint au monde qu’une fille unique, ressemblant à sa mère. Or, cela a toujours été ainsi de siècle en siècle