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LA JUMENT MAIGRE


— D’abord, je te dirai, Fanchik, que trois faillies pièces de trente sous c’est rien du tout pour un grand secret comme celui que je vais te livrer. Je risque ma peau, vois-tu ; aussi tu vas jurer que le jour de tes noces avec Gaïk, la fille à Matho, tu me compteras douze écus de bon argent ; sinon, le lendemain, tu seras changé en lapin ou en lièvre, à ton choix.

— N’ayez pas peur, Postek, je ne serai pas changé en lièvre ; j’ai trop peur des coups de fusil.

— C’est bon ! Pour lors, tu n’as qu’à te rendre au manoir de Lezquipiou, par un temps noir, comme celui-ci, vers minuit. Le seigneur dormira dur, car il boit un coup tous les soirs. Il n’a plus de valet, faute de payer les gages, et la vieille Cato, sa cuisinière, est encore plus soûle que lui. La porte de l’écurie ne tient pas : tu l’ouvriras en poussant le clanche qui est dans le haut ; je connais tout ça, vois-tu, un petit peu, vu que j’ai commercé jadis avec Lezquipiou, qui est un vilain ladre. Bon ! alors tu trouveras la Gazek-treut à gauche du vieux Laouïk ; tu la traîneras dans le courtil et puis tu monteras dessus.

— Mais, père Postek, ça doit être difficile à mener une jument comme cela. A-t-elle des oreilles et une crinière pour crocher dedans ?

— Non, mon fils, rien du tout, ni jambes non plus. Ça vole comme le vent, et un bon cavalier comme toi sera solide, quand tu auras dit seulement :


Par-dessus mares et buissons,
Dans la grotte où les trésors sont.


Bonsoir, Fanch, et ne va pas te tromper.