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FANTÔMES BRETONS


des haies d’épines et de ronces où il laissait des débris de ses vêtements et des lambeaux de sa pauvre peau ; tantôt, pour le rafraîchir, la jument maigre le traînait au beau milieu de la boue et des marécages. Fanch avait beau crier : Arrête, arrête, maudite bête ! Va-t-en voir, rien n’y faisait et l’impitoyable Gazek n’en courait que plus fort et barbotait avec son cavalier dans tous les trous de fange du pays…

Enfin, la jument s’arrêta tout court, et Fanch, surpris par la secousse, alla rouler sur le dos dans la plus belle mare que l’on eût encore rencontrée. Quand il put se dépêtrer, le malheureux était transi, écorché vif, couvert de boue et de sang, à moitié nu, le nez aplati, les joues déchirées, avec plusieurs bosses en plus et un œil en moins.

— Tu vois, Gabik, que ton ami Fanch n’était plus louche, mais borgne, mon garçon, borgne pour le restant de ses jours. Eh bien, Gabik, as-tu toujours envie d’aller chercher des rentes sur la jument maigre ? On dit qu’elle est encore à Lezquipiou.

Gabik se gratta la tête en réfléchissant et répondit : — Ma feiz non, Bideau, j’y renonce.

— C’est bien, mon petit gros, reprit le vieux garde, tu as raison : Fanch le borgne fit comme toi, il renonça aux aventures et voulut rentrer dans la maison de son père. Par malheur, il était si barbouillé que le Pillotou ne le reconnut pas et le mit à la porte. Alors Fanch alla voir si Mathurin serait de meilleure composition : Mathurin, le prenant pour un vagabond qui venait de se battre à quelque foire, le chassa à coups de fouet.