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FANTÔMES BRETONS


jurer que M. Tanguy possédât, dans le fond de sa garde-robe, la moindre relique de ce genre.

Eh ! que lui importait le froid, le vent, la pluie, lorsqu’il y avait des hommes exposés sur la mer ? Il ne voyait alors que les flots déchaînés et la barque en péril, et aussi le ciel, où sa prière montait toujours ardente pour le salut des naufragés. Tel était le digne homme, et telle l’organisation de la petite république de Houat, si, toutefois, le peu de mots que nous en avons dit suffit à l’intelligence de ce récit.


Un soir du mois de février, autour de la table de la cambuse que nous connaissons, se trouvaient réunis cinq à six matelots à l’écorce rude, et dont les traits hâlés par le vent de mer annonçaient la bonhomie et la franchise. Ils achevaient de manger la soupe que Barbane leur avait servie dans de larges écuelles de bois, et de vider chacun une chopine de cidre qu’ils tenaient de la libéralité de la cuisinière. Cela fait, ils causaient entre eux, à voix basse. À l’autre bout de la longue table, trois femmes et des nichées de petits enfants paraissaient aussi terminer leur frugal repas. L’une de ces femmes, encore toute jeune et assez proprement vêtue, mais portant sur ses traits remarquables l’empreinte d’une tristesse mortelle, berçait sur ses genoux un petit enfant de quelques mois. Une vieille matrone, assise en face d’elle, lui parlait bas.

— Ainsi, disait la vieille femme, tu n’as pas de nouvelles de ton mari, embarqué depuis onze mois environ sur la frégate la Galathée ?