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LE RECTEUR DE L’ÎLE DE HOUAT


monde ici me fait une réception à faire trembler un Anglais. Je vous dis qu’il faut que ça finisse, tonnerre de Brest !

— Mais, mon Dieu ! que me voulez-vous donc, Corfmat ? reprit la pauvre femme en se penchant avec effroi sur le berceau. Par pitié, ne parlez pas si fort ; vous allez faire peur à ma petite fille, et cela lui ferait du mal ; elle est si faible.

Ces mots, prononcés par une voix douce et touchante, parurent calmer l’emportement du marin. Il reprit d’un ton presque radouci :

— Je n’ai pas voulu vous faire peur le moins du monde, veuve Julien Morel, et l’on peut causer…

— Ne dites pas que je suis veuve, malheureux ! interrompit Anna avec anxiété ; non, ne le dites pas, pour l’amour de Dieu ; vous ne le savez pas, vous ne pouvez pas le savoir. Avouez que c’est une affreuse tromperie.

— Peut-être, dit le misérable.

— Oh ! Corfmat, que vous êtes cruel. Si vous aviez été meilleur, plus juste, plus rangé, on aurait pu vous aimer à Houat ; M. Tang, qui est si charitable, vous aurait procuré quelque bon embarquement ; et moi-même, je vous aurais tout pardonné ; mais votre cruauté, votre jalousie…

— Ah ! ah ! on aurait pu m’aimer, mille bombes ! À la bonne heure, ma jolie corvette, amenez pavillon, et je m’amende à mon tour. Oubliez donc que j’ai tant causé et touchez là, sans rancune ; nous nous reverrons.