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FANTÔMES BRETONS


sur le sable. Mais, à un certain moment, vous l’eussiez vue tressaillir, son teint pâle se colorer, ses grands yeux se dilater et percer l’espace pour mieux distinguer une voile sur la mer. Puis un petit bateau de pêche se rapprochait, accostait dans une baie au-dessous de l’observatoire de Martha, et un jeune matelot, laissant le vieux maître de la barque achever le travail du mouillage, gravissait avec ses paniers et son butin la falaise escarpée.

C’était Franz, devenu l’ami de Martha, et presque son protecteur, vu l’infirmité de la petite Torte qu’il aimait à porter sur son dos, à travers les grèves et les rochers. Ainsi, Franz, l’alerte et brave matelot, s’attacha de plus en plus à la fille du brigadier, en mettant ses jambes agiles au service de celle qui en était presque privée. À cette date, nos jeunes amis, nés la même année, pouvaient avoir quatorze à quinze ans. C’était touchant de voir sur les falaises ce robuste jeune homme servir, pour ainsi dire, de monture docile à la faible créature qui poussait, alors seulement, des cris de joie en se sentant emportée par une course rapide. Pourtant, si Franz ignorait la haine que le père de Martha avait vouée à sa famille, il la pressentait peut-être, car d’instinct il évitait soigneusement les parages où il eût été exposé à rencontrer le rude brigadier.

Un soir cependant (Martha étant sans doute indisposée), son jeune ami ne l’avait pas trouvée à son poste ordinaire…

Il l’attendit longtemps, et, quand la nuit fut venue,