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L’HOMME EMBORNÉ


— Non, dit l’entêté, pas tout à fait, puisque j’étais seulement en train de… de…, quand cette maudite pierre m’a sauté à la gorge.

— Tu mens, Matho ; c’est toi qui as fait des avances à la pierre. J’en suis certain. Avoue et repens-toi ; ou bien garde ce que tu as.

— Allons, j’a… j’avoue, balbutia le voleur en hésitant encore.

— Et tu rendras, Mathurin ?

— O… oui, je rendrai… je rendrai la borne.

— La borne et la terre, entends-tu ?

— Et la terre, dit enfin le fourbe avec un gros soupir.

— À la bonne heure, dit l’ermite : maintenant je vais te remettre sur tes jambes… Tiens bon ! À présent, voyage, voyage sans cesse, et chaque fois que tu rencontreras quelqu’un dans la peine, tâche de faire une action agréable au Tout-Puissant ; et puis tu diras, en frappant trois fois ta poitrine de granit : « Pan, pan, pan, où la mettrai-je ? où la mettrai-je ?… » Si l’on te répond : « Mets-la où tu l’as prise », alors tu seras délivré par la volonté de Celui qui guérit tous les maux et remet tout à sa place. Adieu.

Là-dessus, le moine entra dans la forêt et Mathurin partit, avec sa borne en avant. Non loin de là, il rencontra un petit cheval maigre sur la lande et se dit naturellement que, s’il pouvait enfourcher le pauvre animal, il voyagerait aussi commodément qu’un maquignon de Moncontour.

Le cheval broutait l’herbe rare d’un ravin. Après