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LE FILS DU PILLEUR


Ranger les écueils avec adresse et courage, accoster l’îlot de granit sous le vent, s’y élancer sans hésitation, ce fut, pour l’intrépide jeune homme, l’affaire d’une minute. Malgré ses murmures, le vieux Tom l’avait fortement secondé dans son œuvre généreuse, en s’efforçant de maintenir le bateau et de parer l’abordage des récifs. Franz trouva sur l’îlot un mousse qui, seul, accompagnait Brionel dans ses petites tournées. L’enfant était affolé de terreur.

— Là, là, criait-il : voyez, il est à moitié dans l’eau. C’est le patron… La mer va l’emporter.

Franz fit quelques pas dans la direction indiquée. La face tournée contre le goémon, le corps déjà inondé et soulevé quand revenaient les lames, un naufragé gisait sur la roche. Le fils du pilleur l’entraîna un peu plus haut où les flots ne montaient pas encore, et retourna le cadavre. Il ne put retenir un cri en voyant le visage livide, les mains crispées, la poitrine sanglante de son persécuteur…

Après ce sauvetage, Franz parut reprendre un peu de goût à la vie. Du moins sa mère voulut l’espérer pendant quelques mois. Elle se trompait. Franz, voyant que le temps n’amenait aucun changement dans sa position, sentait son courage l’abandonner encore. Il avait fait jurer à son matelot, sur sa part de paradis, que jamais il ne révélerait le nom de celui qui avait couru au secours de Brionel, et le mousse, seul autre témoin de ce naufrage, se mourait des suites de l’accident ou de la terreur qui l’avait frappé. Enfin, ce qui augmentait la cruelle tristesse, le découragement