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Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/226

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FANTÔMES BRETONS


leur position, pour éviter les côtes et les bancs qui entourent l’îlot.

Mais, avec le temps, les circonstances changèrent ; un homme riche, venu de Lorient, acheta de la pauvre commune de Groix quelques arpents de la falaise, pour y établir une pêcherie. Beaucoup de gens pensaient que la chapelle ne faisait point partie de son lot ; mais Rochelan, c’était son nom, s’en empara sans écouter aucune remontrance, et menaça de faire un procès opiniâtre à quiconque tenterait de le troubler dans sa possession. On finit par le détester et par le craindre si bien que l’on n’osa lui disputer les débris de Lok-Maria. Le pignon où se trouvait la grande porte paraissait encore très-solide, ainsi que les murs latéraux. Le clocher avait été abattu par la moitié ; la meilleure cloche s’était brisée en tombant : il n’y restait plus que la petite cloche fendue par les injures du temps. Elle servait encore à rappeler les ouvriers au travail. L’intérieur de l’édifice avait été transformé en magasin destiné aux vieux bois, caisses ou tonneaux hors de service, et cela faisait dire aux gens du pays qu’une telle profanation ne resterait pas impunie.

Rochelan avait un fils unique, nommé Abel, qu’il aimait autant que son caractère et ses occupations le lui permettaient. Abel, âgé de dix-sept ans à peine, était doux et bon, plein de courage, malgré sa timidité apparente, et de patience, malgré son ardeur à braver les dangers de la mer. Jeune, riche et beau, il espérait avoir dit pour jamais un éternel adieu aux séductions de la ville. Il ne demandait qu’à vivre retiré sur cette