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LA CHAPELLE DE LOK-MARIA DE GROIX


île étroite, dont les mélancoliques aspects avaient tant de charme pour son cœur. Enfin cet enfant, rempli d’une charitable piété, mettait tous ses soins à réparer, vis-à-vis des pauvres gens, tous les torts de son père. Depuis plusieurs mois, on avait cessé d’allumer la lanterne dans le clocher de la chapelle ; deux naufrages venaient d’attrister l’île de Groix, et chacun les attribuait à l’absence du signal.

Abel ignorait cette circonstance. Un soir, à la fin de l’automne, le vent ébranlait les toitures des habitations les plus voisines du rivage. La demeure de Rochelan, appuyée aux grands rochers qui dominent la falaise, éprouvait toute la violence de l’ouragan. Le jeune Abel, ami passionné des grandes scènes de la nature, ne pouvait rester insensible, à l’abri, quand il se trouvait peut-être sur les flots des hommes exposés à perdre la vie. Plus d’une fois déjà, il avait contribué, par son courage, à des sauvetages dangereux ; la vue des vagues en courroux excitait son jeune enthousiasme et faisait battre son cœur ; c’est pourquoi, ce soir-là, au bruit du vent qui ébranlait la pêcherie, le fils de Rochelan, muni d’une longue corde, d’une gaffe et d’un fanal, sortit de la maison sans prévenir son père. Ce soin du reste était inutile, eu égard au genre de vie adopté par ce dernier. Uniquement occupé de son commerce, se fiant avec raison à la sagesse de son fils, il lui laissait la plus entière liberté, et ne souffrait pas qu’on vînt le déranger, le soir surtout, quand il chiffrait sur ses vieux livres de comptes.

Abel s’éloigna de la maison ; mais il ne put le faire