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Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/234

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FANTÔMES BRETONS


toujours de l’autre, interrogeait avec sa gaffe la position de chaque pierre avant d’y placer le pied. Cette situation était affreuse : les bourdonnements confus des vagues, les sifflements des rafales, l’agitation continuelle de la mer ne pouvaient tarder à lui causer un funeste vertige. Ses yeux tentaient inutilement de percer la couche sombre et trop profonde des flots ; ses bras s’alourdissaient sous tant d’efforts ; sa main crispée s’appuyait trop fortement sur la gaffe à demi rompue… La gaffe se brisa tout à coup ; Abel chancela en perdant cet appui, et, glissant sur le bord de la chaussée, il essaya de lutter à la nage contre les éléments déchaînés…

Les marins entendirent alors un cri de détresse, malgré le bruit terrible de la tourmente. Au même instant, le navire guidé par le signal du rocher, entra dans la baie, avec la vitesse d’un trait, et vint s’échouer à quelques pas de la côte, sans toucher contre les écueils. Il était sauvé du naufrage.


II

Depuis cette nuit, pendant laquelle le pêcheur de Kerhoret avait couru de si grands dangers, chaque fois que, le soir, le vent semblait s’élever avec un peu plus de violence, on voyait un vieux marin et une petite grésillonne s’approcher, avec un fanal, de la chapelle de Lok-Maria. Le vieillard dressait, d’une main ferme, une échelle contre le mur, et la jeune fille, vive et courageuse, gravissait les degrés sans crainte du vent ou de la pluie. Bientôt le fanal, attaché dans la tou-