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LA CHAPELLE DE LOK-MARIA DE GROIX


qu’Abel vînt lui demander des poissons, des huîtres ou de menus coquillages. Mais de tout ce qu’on pouvait lui commander ou lui permettre, rien ne rendait Marguerite plus heureuse que de la laisser monter le soir, par les plus mauvais temps, sur le clocher de Lok-Maria. Voyant combien Abel tenait à cette précaution ridicule et dangereuse, selon lui, Rochelan, encore sous l’impression de la dernière maladie de son fils, tolérait ou feignait d’ignorer que le fanal brillait souvent dans la tourelle.

Mais les yeux clairvoyants du jeune homme ne pénétraient que trop les désolantes dispositions de son père. Que pouvait-il faire ? Redoubler de zèle, respecter l’auteur de ses jours, prier pour lui, et attendre…

Oui, respecter son père et prier pour lui ! C’est là, je l’affirme, la pierre de touche de l’amour filial ; l’aimer, fût-il dur et même injuste, c’est le devoir de l’enfant, c’est la loi de Dieu !

M. Rochelan devenait chaque jour de plus en plus avide de lucre et de négoce : il consumait ses veilles dans de continuelles combinaisons commerciales, et commençait à s’irriter de l’existence à peu près inutile, selon lui, que menait son jeune fils. Il résolut donc d’essayer, sur son héritier, le pouvoir de sa volonté paternelle.

Il n’était pas besoin de détours pour conduire Abel dans la voie de l’obéissance.

— Vous voulez que je parte, dit-il à son père, en retenant ses larmes, je partirai… vous désirez que je commande vos bâtiments sur la mer : la mer me