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FANTÔMES BRETONS


connaît déjà, je ne crains pas la fureur des flots, je vous obéirai… Si j’éprouve quelque douleur en partant, c’est que je vous laisserai seul, mon père ; seuls aussi je laisserai les pauvres ; puissiez-vous, en souvenir d’un fils qui vous aime, les secourir dans leur détresse.

Peu de temps après, sur un brick qui portait son nom, Abel fit voile vers le sud, par un beau jour de septembre. Deux autres navires, chargés des produits de l’industrie de M. Rochelan, et destinés aux villes du midi de la France, suivaient son sillage. Qu’elle fut sincère et ardente la prière du jeune marin à Notre-Dame de Lok-Maria, au moment de l’appareillage ! Le petit clocher en ruines qui surmontait l’édifice fut le dernier objet qui occupa ses regards ; et, sur le faîte de la tourelle, une petite grésillonne, assez semblable à une mouette qui va s’envoler, tendait les bras vers la flottille et vers le ciel…

Un jour (c’était à la fin d’octobre), tout semblait annoncer une tempête. Jacques se rendit, avec la fille du pêcheur, sur la falaise qui domine la baie dont nous avons parlé. Longtemps ils examinèrent en silence l’étendue des flots tumultueux, et ne voyant aucune voile apparaître, ils se sentirent un peu plus tranquilles.

— Que Jésus le protège ! s’écria la jeune fille en tremblant comme si elle avait eu la fièvre. Dieu soit béni, je ne vois rien là-bas ; la mer est si affreuse ! et ce soir, qui sait, plus mauvaise encore peut-être.

— Il faut espérer que non, dit Jacques ; on ne peut voir plus gros temps.