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Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/32

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FANTÔMES BRETONS


second pour tenir ses comptes à bord, va m’emmener en voyage. Nous faisons voile demain pour Cadix.

— La saison est trop avancée, Jane : que de dangers vous allez courir !

— Je le sais, Pilote. Que faire ?… Une idée ! Allez trouver mon père ; vous savez écrire ; offrez-vous pour second à son bord.

— Oh ! Jane, je le voudrais bien, mais il me repoussera. Voyez, il part même sans avoir recours à mon pilotage pour sortir.

— Hélas ! fit-elle, et moi qui ai tant de peur des tempêtes !… Pourtant, s’il nous emmenait tous les deux, je ne craindrais plus la mer avec vous. Courage ! Pilote ; quoi qu’il arrive, je ne vous oublierai pas ; je vais prier la sainte Vierge d’avoir pitié de nous. Allez, allez, Pilote.

Misaine se rendit avec son canot à bord du Saint-Jean (c’était le nom de la goëlette), sous prétexte d’offrir son aide pour gagner le large. Le capitaine Alain le reçut aussi mal que possible. Pilote supplia, s’offrit pour second, pour gabier, pour mousse, proposa son travail sans aucun salaire.

— Je connais la côte mieux que toi, marin d’eau douce, répondit le capitaine, et je ne veux pas de mendiant à mon bord. Ainsi, tu peux filer.

Pilote s’éloigna, la mort dans l’âme. Il passa la nuit dans une caverne de la côte, où il montait souvent la garde pour surveiller les vaisseaux en péril.

À l’aube, il vit passer le capitaine et sa fille, et ce qui lui fit le plus de mal, c’est qu’un jeune marin,