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Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/33

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PILOTE ET GOËLAND


d’une réputation douteuse, dont la mère possédait quelque bien, les accompagnait et aidait à l’embarquement.

Dès que la marée commença à descendre, le Saint-Jean leva l’ancre. Pilote le vit déployer lentement ses voiles, prendre le vent et s’orienter au large. Bientôt le navire disparut en pleine mer… Tout était fini, et Pilote, debout sur un rocher, essayait encore de distinguer sa mâture, perdue dans le brouillard lointain.

Il descendit, enfin, de son observatoire, dans l’état d’un malheureux qui a vu sombrer son dernier espoir. Barbet, couché sur le sable à ses pieds, se mit à grogner sourdement.

— Qu’as-tu donc ? lui dit son maître. Il n’y a pas d’ennemis par ici, mon pauvre chien ; point d’amis non plus : elle est partie ; il ne nous reste rien !

Ces tristes réflexions furent interrompues par l’arrivée du jeune marin dont nous avons parlé. Celui-ci, à la vue de son rival éconduit, prit un air crâne et presque méprisant.

— Vous êtes encore là, Misaine, lui dit-il, avec votre grognard de chien ? Pourtant la brise est bonne et l’on n’a pas besoin de pilotin par ce temps-là, que les mouches naviguent.

— Je le sais, Marsy, répondit Pilote. J’aime cette place, voilà tout. Au surplus, la mer change souvent, sans dire de prendre des ris.

— C’est bon… À propos, dit-il en revenant sur ses pas, vous avez réparé un filet au capitaine ; faudra me le rapporter, je vous paierai. C’est moi qui remplace