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Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/38

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FANTÔMES BRETONS


En effet, la mer étant plus supportable ; une barque fut mise à flot. Les sauveteurs eurent le bonheur de trouver Misaine et Goëland, qui nageaient en se soutenant l’un l’autre. Mais il était temps d’arriver, car, dès qu’on les eut hissés à bord, Pilote s’évanouit. On le crut mort. Hélas ! il n’en était rien ; il rouvrit les yeux, au moment où la barque accostait, et s’écria, en voyant son chien :

— Puisque Goëland est ici, c’est qu’il a sauvé la fille du capitaine… Où est-elle, mes amis ? Répondez, pour l’amour de Dieu !

Les marins gardèrent un morne silence, et se mirent en devoir de désarmer l’embarcation.

— Goëland ! Goëland ! reprit le jeune homme, où est Jane ? Cherche, cherche, trouve, mon bon camarade.

Le pauvre animal, réveillé de sa torpeur par cette voix suppliante et amie, se leva, malgré sa fatigue. Il fit quelques détours sur la grève en flairant des traces, et ramassa, tout auprès de l’observatoire de son maître, un lambeau déchiré, qu’il vint lui rapporter aussitôt. C’était un débris de vêtement de femme, oublié par ceux qui avaient enlevé le corps de la fille du capitaine…

Depuis ce temps, Pilote ne veut jamais perdre de vue cette grève funeste, témoin de ses trop courtes joies et de son éternelle douleur. Il y a construit, au moyen des épaves mêmes de ce naufrage, où le père et la fille ont perdu la vie, la cabane que nous avons décrite et qu’il habitera jusqu’à la fin.