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UNE CHAISE EN ENFER


prairies, ses délicieux jardins, au confluent de l’Isole et de l’Ellée. J’ai déjà parlé ailleurs, je m’en souviens, du pardon de Lothéa, de la petite chapelle, de la fontaine, et surtout du chemin ravissant qui y conduit, au milieu des taillis, en côtoyant la Laita.

Ainsi, on revenait, sur le soir, du pardon de Lothéa. Cela se passait à peu près comme je l’ai esquissé au commencement de ces pages. Le sentier, serpentant dans les bois, semblait être bariolé par les nombreux costumes des pardonneurs, comme un long ruban de couleurs diverses. C’était original, c’était intéressant et complétement breton. On entendait, dans le lointain, les sons de la bombarde et du biniou, les airs gais et harmonieux que jouait si bien Mathurin l’aveugle. Les paotred chantaient, les jeunes filles riaient et cueillaient les derniers bouquets de lait ; mais le cidre de Perr Lichern avait bien généreusement coulé au pardon, à raison d’un blank la chopine : aussi un grand nombre de retardataires attaquaient-ils en revenant les talus du chemin creux, sans souci des épines et de la lande qui garnissaient les bords. Nous regardions tout cela en riant, et ne suivions pas sans plaisir les évolutions des amateurs de cidre, les meilleures pratiques de Perr Lichern, le cabaretier du Bois de l’Abbaye.

Il y en avait un surtout qui nous amusait singulièrement par les embardées étonnantes qu’il exécutait. Le chemin, assez large quoique fort inégal, à l’endroit où nous nous trouvions alors, se prêtait aux gambades forcées de notre ivrogne. Nous disons forcées, parce que, au moment où l’équilibre lui manquait, il ne