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Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/59

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UNE CHAISE EN ENFER


passant au Pont-de-Pierre et se dit que, n’importe, fallût-il éreinter le cabaretier, il aurait du cidre, ou que le diable s’en mêlerait, pour sûr.

Il n’avait pas fini de dire ou de penser cela, qu’il vit venir à lui un amateur assez bien tourné. C’était un gros paysan, sensé, habillé à la mode de Guiscriff, avec un gros penbaz et un gros sac sur le dos.

— Tiens, lui dit le gros paysan, c’est toi, Griffard ! Comment vas-tu, mon fils ?

— Comment ? comment ? fit Griffard ; vous me connaissez donc, vous, le gros bonhomme ?

— Si je te connais, reprit l’autre ! Appelle-moi mon oncle ; je suis ton père nourricier : je te connaissais avant ta naissance. Je procure aux bons lurons toutes joies et plaisir ; la peine de dire merci ! Ça te convient-il ?

— Bien sûr, mon oncle, que ça me convient ; surtout si vous payez à boire. Entrons dans la maison ; nous causerons mieux devant un joli pot de cidre, pas vrai ?…

Les camarades s’en donnèrent une bonne, comme vous pensez. Mais le gros avait beau verser du cidre à Griffard, bah ! rien n’y faisait ; Griff était aussi solide qu’au commencement, et le gros homme avait déjà un coup de soleil que sa face de vieux pendard en suait rouge comme du sang. Alors, pendant que le cabaretier était sorti pour prendre l’air, vu qu’autour des buveurs il faisait une chaleur d’enfer, l’étranger dit à Griffard :

— Assez comme cela, mon neveu, et faisons nos comptes.