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Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/58

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FANTÔMES BRETONS


sait, a un flair du diable et il avait senti la venue prochaine de son ami. Entre coquins on se connaît, entre diables on s’estime, et voilà comment Griffard était attendu en enfer avant sa naissance.

Pour lors donc Griffard vint au monde, censé[1] avec bec, ongles et dents passablement aiguisés par la malice ; à six mois c’était déjà un luron dégourdi ; à cinq ans il donnait le saut au meilleur lutteur du Faouet, et à sept ans, âge de raison pour les chrétiens, maître Griff parlait mieux qu’un avocat de Vannes, si c’est possible.

Voilà donc qu’à douze ans sonnés, il demanda son compte à sa mère, qui était une digne veuve de Guiscriff, vivant à peine de sa quenouille. La pauvre femme, ne pouvant plus nourrir un tel vaurien affamé et non moins altéré, ne fut pas fâchée de le voir partir, d’autant plus que dernièrement Griffard avait eu de vilains démêlés dans le pays : il avait battu un marguillier de la paroisse qui voulait le sermonner, et donné une danse, sensé, au bedeau du Faouet, qui était son parrain, parce qu’il lui avait refusé de l’argent le jour du pardon de sainte Barbe.

Enfin le voilà parti par la grand’route de Gourin. Un peu plus loin, en montant la côte du Cheval, comme il faisait grand soleil, il fut pris d’une soif de possédé et apercevant un petit cabaret, à mi-côte, il tâta son gousset percé pour voir s’il lui restait quelques sous. Par malheur, il avait bu son dernier liard en

  1. Censé, Sanset, mot d’argot breton que certains conteurs emploient beaucoup dans le Léonais.