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Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/6

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FANTÔMES BRETONS


solitaire. Il contemple les rochers ; il remue les pierres des ruines ; il écarte la mousse et les ronces qui couvrent les vieux sentiers. Puis il interroge patiemment ces débris muets du temps passé, et il finit toujours par leur arracher quelques secrets intéressants. La vieille Armorique est encore assez riche en paysages inexplorés, en ruines inexpliquées, en sites mystérieux, pour mériter les regards des archéologues, et surtout de ces chercheurs de traditions antiques dont nous venons de parler. C’est pourquoi nous y revenons souvent, afin de continuer la description de ces lieux peu connus, et de leur demander la moralité de leurs légendes.


II

La Dourdu (l’eau noire) est un de ces endroits d’aspect sinistre, toujours enveloppé d’une crainte mystérieuse que la tradition populaire motive à peine. C’est une baie de peu d’étendue, située au bas de la rivière de Morlaix. Ancien refuge des corsaires bretons, elle est entourée de noirs récifs et d’énormes rochers rangés sur la grève comme les pierres éboulées d’un mur gigantesque. Des brouillards presque continuels y répandent souvent une demi-obscurité. Les vagues de la Manche, quand soufflent les grands vents du nord-ouest, déferlent avec rage dans la Dourdu et soulèvent son sable noir en épais tourbillons. De gros cormorans fauves tournoient sans cesse au dessus des flots, appelant le naufrage par leurs cris affreux. Le soir, le pêcheur fait un détour par le haut des falaises, plutôt que de passer au bord de l’Eau-Noire.