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FANTÔMES BRETONS


retour au château, elle avait, par prudence, attaché sous sa chaise une petite fiole remplie d’eau bénite. Le diable avait emporté le tout, sans se douter de rien, tout diable qu’il était… Mais, voyez-vous, il y a des femmes qui ont plus d’esprit, sensé, que le diable lui-même.

Je ne vous raconterai pas toutes les aventures de Griffard et de Finette, ni celles de Chien d’eau, devenu riche, gras comme un vrai procureur et de plus l’heureux époux de la belle Félicité. Après la mort du roi Prêt-à-filer, Griffard était devenu le plus puissant monarque du monde, et quoiqu’il fût toujours un peu brutal et ami de la bouteille, ses sujets n’avaient pas trop à se plaindre. Enfin, les dix années passèrent, passèrent comme dix jours, le bonheur passe si vite pour les gens heureux ! et un soir que le roi Griffard Ier et sa femme avaient bien ri après souper, ils virent apparaître un personnage qu’ils avaient oublié. Mais Griffard l’ayant bientôt reconnu, lui dit hardiment :

— Bonsoir, mon oncle, comment vous portez-vous depuis l’an passé ? vous avez l’air plus triste que l’autre fois.

— C’est bien possible, mon fils, répondit le diable ; j’ai tant de souci avec les moines, les bonnes sœurs et ceux qui se convertissent sans ma permission… mais, mon fiston, il y a dix ans sonnés, à la minute, depuis le soir de tes noces.

— Dix ans ! c’est impossible, vous plaisantez.

— Je ne plaisante jamais, reprit le démon ; non, non, non ! ainsi, faites vos paquets et suivez-moi tous