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Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/74

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FANTÔMES BRETONS


et sa pâleur, — s’est approchée de moi, et, me montrant les tours par un geste expressif, elle s’est élancée, vive comme un oiseau, pour escalader les ruines. Je l’ai suivie, d’instinct, pour ainsi dire. Elle m’a entraîné aux passages les plus difficiles. Lorsque j’hésitais à avancer, elle poussait un cri, pareil à celui d’une mouette ; puis, comme si elle en avait eu les ailes, d’un bond elle gravissait le faîte des tours lézardées.

Enfin, la visite du donjon est achevée. Je rencontre dans la cour une femme inquiète et qui cherche mon étrange cicérone.

— C’est ma fille, me dit-elle ; elle vient tous les jours ici pour guider les voyageurs ; mais elle aime tant ces ruines, qu’elle y monte seule, courant, glissant, s’accrochant aux pierres ébranlées. La chère petite, c’est son seul bonheur !… bonheur, hélas ! qui causera sa mort, si Dieu n’a pitié d’elle !

— Dieu protége tous les infortunés, dis-je à la pauvre femme. Mais que ne faites-vous comprendre le danger à votre enfant !

— Le danger, monsieur, elle ne saurait s’en faire une idée. Vous ne l’avez donc pas interrogée ? Janic est innocente et la raison ne lui est jamais venue. Je la portais, lorsque son père a fait naufrage : son esprit s’en ressent… Que la volonté de Dieu soit faite !

Nous gardâmes le silence, durant quelques minutes, et j’allais me disposer à quitter ces lieux, quand la petite idiote s’écria en breton : « Ty ar follez » (la maison de la folle). — Voyant ma surprise, la veuve crut devoir m’expliquer les paroles de sa fille, qui