Et moi, du moins, je vis pour ma fille, j’ai conservé la résignation et je puis prier pour eux…
Le retour de Claude ne parut pas diminuer, comme on devait l’espérer, l’étrange faiblesse de corps et d’esprit de sa pauvre femme. Cependant elle me voyait encore avec plaisir, et les pleurs que nous répandions ensemble, calmaient ses peines secrètes et les miennes. Mais peu à peu mes visites auprès de Julie durent être plus rares, à mon grand regret ; Mizan, que troublait ma présence, finit par me faire comprendre que ma vue lui était insupportable.
Ce fut surtout un an après le naufrage que tout devint extraordinaire dans la maison blanche. La perte du Saint-Gildas m’avait réduite à la misère ; je n’avais et je n’ai pour vivre qu’un modique secours de la Caisse de la Marine. Mizan, au contraire, acheta quelques terres autour de sa maison. Il était relativement riche et l’on prétendait (dois-je le répéter ?) qu’il avait dû trouver un trésor…, dans la cabine du Saint-Gildas.
Du vivant de ce misérable, je n’en sus, je n’en voulus jamais savoir davantage. Il devenait sauvage, sombre, maladif. Sa maison était fermée à tout le monde, fermée à moi-même. On disait que, la nuit, des cris, des gémissements lugubres s’en échappaient bien souvent. J’avais la mort dans l’âme en songeant à Julie, et je ne reprenais courage qu’aux caresses de ma petite fille, si délicate, si faible, que j’osais à peine la presser sur mon sein.
Tout à coup j’appris que Mizan venait de mourir.