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Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/90

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FANTÔMES BRETONS


du grand squelette, il alla le regarder sous le nez, afin de le mieux dévisager, et se mit à éclater de rire.

— Par la mort bleue, s’écria-t-il, en voilà un qui me ressemble. Que veux-tu, mon joli garçon ?

— Ce que je veux, dit l’autre d’une voix à casser les vitres, je veux la place de garde que tu as offerte au diable, si j’ai bien entendu de là-bas ?

— Ah ! ah ! tu es donc Belzébuth ou son fils ?

— Je n’ai pas tout à fait cet honneur, mais on me nomme Ravage, et je suis garde des forêts de l’enfer.

— Diable, dit le sire Robert, à ce titre tu me plais infiniment. Et quel gibier avez-vous donc dans vos bois infernaux ?

— De toutes sortes : nous avons des daims, des antilopes, des cerfs, errant autour de pâturages semés d’herbes brûlantes. Ces animaux sont si maigres qu’on voit le jour, ou plutôt le feu, à travers leurs os. C’étaient des lâches, des vaniteux, des présomptueux sur la terre. Nous avons des renards, des chacals décharnés, condamnés à guetter sans fin des proies insaisissables. Ce furent des fourbes, des envieux dans votre monde pervers. Nous avons encore des loups affamés, des tigres altérés, des lions à la crinière de flammes ; tous privés d’ongles et de dents, et condamnés à mourir de faim pendant l’éternité. C’étaient autrefois des hommes avides, cruels et orgueilleux. Nous avons de plus....

— Assez ! assez ! maître démon, interrompit le sire de Teillé. Je vois que vous possédez là-bas vrai