D'un amour véritable une ferme assurance.
Ainsi par votre amour ayant bien pu juger
Que mon éloignement vous devait affliger,
J'ai feint d'être insensible aux douleurs de ma Reine,
Pour vous donner sujet de me quitter sans peine,
Et pour emporter seul parmi tant de rigueurs
Et l'ardeur de deux feux, et le mal de deux coeurs.
Mais devant tant d'attraits cette feinte s'efface,
Et n'est contre un grand feu qu'un obstacle de glace.
Je le vois, je le sens, je l'éprouve à mon tour,
Qu'on ne peut longtemps feindre avec beaucoup d'amour,
Et que si cette feinte offense ce qu'on aime,
Celui qui la produit, en est blessé lui-même.
Mais pardonnez, Madame, à mon ressentiment,
Mon Amour est trop fort pour marcher règlement,
Il quitte la raison qui lui servait de phare,
Il se conduit lui-même, et sans doute il s'égare,
Il s'emporte, il m'emporte, et demande pourquoi
Une Reine refuse et veut bannir un Roi ?
Est-ce que vous craignez, ô chère, ô grande Reine,
De perdre avecque moi le nom de Souveraine ?
Mais ne serez-vous pas plus Reine que jamais
Si l'on voit un Monarque au rang de vos sujets ?
Est-ce, vous le dirai-je, et puis-je vous le dire
Sans montrer les transports que la fureur inspire ?