Est-ce que vous croyez contenter vos États,
En nous abandonnant aux passions d'Arcas ?
Est-ce que vous voulez vous acquérir ma haine
Par une opinion si honteuse et si vaine ?
Est-ce pour obliger mon esprit furieux
À vous voir sans douleur éloigner de mes yeux ?
C'est le plus grand effort du feu qui me dévore,
D'entendre ce reproche et de brûler encore.
Hélas dans ce transport trop indigne du jour,
La fureur a parlé, mais non pas mon Amour ;
Et quand même l'Amour aurait commis ce crime,
Ne mérite-t-il pas un pardon légitime ;
Puisque malgré le Ciel qui me gêne à mon tour,
Les crimes de l'Amour sont des marques d'Amour ?
Faites, faites-moi voir la raison véritable
Qui bannit de vos yeux un Prince misérable :
Si votre gloire veut que je quitte les Cieux ;
C'est-à-dire l'Empire où reluisent vos yeux,
J'ai le coeur assez fort pour me bannir moi-même,
Pour aimer sans espoir, pour quitter ce que j'aime ;
Et quand par cet exil on voudrait m'outrager,
J'ai même assez d'Amour pour ne me pas venger.