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Page:Du Saussay - Perverse, 1896.djvu/282

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PERVERSE

quelque chose d’outré qui faisait sa folie grande et souverainement belle. Au milieu de tous, elle vivait sans penser à l’argent, et c’était bien à l’amour qu’elle sacrifiait son corps. Affamée du plaisir qui vivifiait sa chair, elle allait à la conquête des joies comme le général marche, à la musique des canons, sans s’inquiéter de son égoïsme, sans songer à l’avenir, vivant l’instant même pour prendre, dans l’espace de cet instant, la plus grande somme de satisfaction que l’espace d’un instant puisse donner.

Quelquefois, sans dormir, elle aimait perdre sa raison dans le songe. Et elle rêvait qu’elle était étendue, les yeux fermés avec un bandeau, et que des foules d’hommes en rut la prenait au galop, vite, vite, et passaient. D’autres foules suivaient, innombrables, et chacun des êtres lui labourait les flancs de plaisirs.

Alors, elle se laissait bercer à l’infinie douceur de la possession constante, et tous ces amants, ces foules d’amants qu’elle ne connaissait pas, qui l’enlaçaient sans que