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MONUMENTS EN PIERRE

de Saint-Denis sur l’abbaye d’Argenteuil, et pour leur donner plus de poids, il prétexta la conduite irrégulière des religieuses de son temps. L’évêque de Paris s’opposa fortement aux projets de Suger ; les religieuses, de leur côté, qui craignaient avec raison leur expulsion, se présentèrent pour se défendre. Grands débats entre les parties, d’où suivit une espèce de concile qui se tint dans l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, au commencement de 1129. Le légat qui y présidait décida par sa sentence qu’il fallait chasser les filles de leur monastère et y mettre en place des moines bénédictins. Les religieuses d’Argenteuil se réfugièrent donc dans différentes communautés[1]. La prieure était alors la célèbre Héloïse, qui se retira, avec sept ou huit de ses compagnes, au Paraclet, maison qu’Abailard leur céda et qui, par les soins de cette illustre religieuse, devint une des plus brillantes abbayes du royaume.

Le monastère d’Argenteuil possédait une célèbre relique, la robe de Notre-Seigneur, qui lui venait de l’abbesse Théodrate qui l’avait reçue de Charlemagne, son père, auquel elle avait été remise par l’impératrice Irène. Disparue lors des invasions des Normands, la robe du Christ ne fut retrouvée qu’en l’an 1156, et devint l’objet d’un culte fervent et d’un pèlerinage annuel qui donna une grande célébrité à l’abbaye. Les chroniques nous rapportent les noms des augustes visiteurs qui se rendirent à Argenteuil pour faire hommage à la sainte relique, et nous y trouvons la présence de Henri III, plus tard celle de Louis XIII, de Marie de Médicis, d’Anne d’Autriche et du cardinal de Richelieu.

Le porche du couvent des Bénédictins d’Argenteuil, qui se compose de trois grandes arcades en plein cintre, d’architecture romane, et qui présente un élégant exemple de la décoration par lignes brisées, existait encore sur place en 1855, dans une maison particulière appartenant à M. Rigaud et construite sur une partie de l’emplacement de l’ancienne abbaye. Cet intéressant fragment d’architecture monastique ayant été offert à l’Hôtel de Cluny par son propriétaire, a été démonté pierre par pierre, transporté à Paris, puis réédifié en son état primitif dans les jardins du Musée.

L’arcade centrale est de forme trilobée, et les deux piliers sur lesquels elle s’appuie sont flanqués chacun de dix colonnettes aux chapiteaux historiés. La même disposition se répète pour les deux arcades latérales dont les cintres sont ornés de bâtons rompus, comme celle du milieu. — Lr 13m,50 ; Hr 4m,70.


87. — Colonne avec son chapiteau, provenant du même cloître des Bénédictins d’Argenteuil et appartenant à la même époque.

Cette colonne, dont le chapiteau ainsi que la base sont sculptés avec une grande finesse d’exécution, a été également donnée au Musée par M. Rigaud, et transportée d’Argenteuil à l’Hôtel de Cluny en 1855.


88. 89. — Piliers d’angles et de retombées provenant de l’ancienne tour de la commanderie de Saint-Jean-de-Latran, détruite en 1854. — xiiie siècle.

La commanderie de Saint-Jean-de-Latran, située en face du Collège de France, et désignée, antérieurement au xvie siècle, sous le titre de Saint-Jean-de-l’Hôpital ou Saint-Jean-de-Jérusalem, existait déjà en 1130 et occupait le vaste espace compris entre la rue Saint-Jacques et celle Jean-de-Beauvais d’un côte, la place Cambrai et la rue des Noyers de l’autre.

L’entrée principale, située en face de la porte actuelle du Collège de France, la grange aux dîmes, édifice du xiiie siècle, aux voûtes ogivales et aux nervures croisées, le logis du commandeur et le cloître, avaient été rasés depuis longtemps.

La tour, intéressant spécimen de l’architecture militaire du moyen âge, était encore debout en 1854 ; mais l’ouverture de la rue des Écoles a malheureusement amené la destruction, au mois de décembre de la même année, de ce précieux monument, unique en son genre sur le sol du vieux Paris.

Cette tour, construction carrée, à l’extérieur austère, qui était destinée, selon Dulaure, au logement des pèlerins se rendant à Jerusalem, ou plutôt, comme

  1. Dulaure, Histoire des environs de Paris.