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NOTES.

Anet, au bord de l’Eure.

L’amour en dirigea la superbe structure,

a dit Voltaire, meilleur appréciateur, à ce qu’il paraît, des produits des arts que des secrets de la nature. (Voir, note U, ses sarcasmes sur Palizzi.) Monument de l’aveugle et durable passion d’un de nos rois guerriers pour cette Armide qui, pendant longues années, subjugua, fascina tout en France, tout, jusqu’à Brantôme, qui devait être cependant bien en garde contre les faiblesses des

    d’amour, et d’amour adultère quoique royal, dont le connétable de Montmorency avait garni son château sous toutes les espèces, pavages, lambrissage, vitrage, ferrure, etc., sans doute pour complaire à son roi et surtout à Diane, qui n’avait pas peu contribué à convertir en haute faveur sa disgrace du précédent règne. Remis, comme on l’a dit, en bon état de réparation, ce château attend depuis vingt ans un maître, ou plutôt un occupant qui le vivifie ; mais son isolement le tuera. Que n’est-il moins excentrique, on pourrait en refaire un hôpital militaire, ou une caserne, comme on a fait du château de Blois, du palais de Nancy, des châteaux de Nantes, de Vincennes, ou une maison de détention, centrale ou non, comme à Gaillon, Fontevrault, Clairvaux, Langeais, Loches, Angers, etc., etc.

    Mais où nos ancêtres, dont la morale était, dit-on, si relâchée, logeaient-ils leurs essaims de criminels, ou présumés tels, à divers titres, leurs truands pris en faute, tire-laine, tire-chape, etc., leurs serfs rebelles, les silvains, usurpateurs de leurs droits de chasse, enfin les victimes sans doute innombrables de l’odieuse féodalité et du despotisme des rois et seigneurs ? Nous avons hérité de toutes leurs geôles et succursales ; nous avons établi de nouveaux bagnes largement pourvus, et, dans les besoins que nous crée notre moralité si complète, il nous faut encore combler de nos détenus, nos anciennes abbayes royales, les manoirs de nos hauts barons, les maisons de plaisance de nos archevêques, et jusqu’aux résidences de nos rois, et ce, tout en multipliant les constructions nouvelles dans le même but, et en embellissant l’avenir des habitués de cours d’assises par des prisons modèles, expression d’une civilisation raffinée, dans les termes du moins. Ce que c’est qu’un régime de liberté. Loin de nous cependant le regret d’aucune espèce d’esclavage.