que les feuilles du Song lo sont plus longues et plus pointues, que leur décoction rend l’eau verte, et qu’on s’aperçoit aisément par l’usage qu’il est corrosif. Au contraire les feuilles du Vou y tcha sont courtes, plus arrondies, un peu noirâtres, et donnent à l’eau une couleur jaune, sans aucune âpreté, et sans rien avoir, dont l’estomac le plus faible ne puisse s’accommoder. Aussi le Vou y tcha est-il généralement dans tout l’empire, le thé le plus recherché pour l’usage ; on a peine à en avoir de bon dans les provinces septentrionales, où l’on ne vend ordinairement que de celui qui est composé de feuilles déjà grosses. Car plus les feuilles du vou y cha de même que celles du Song lo, sont jaunes, tendres et fines, plus elles sont estimées. On en fait sur les lieux de trois sortes.
La première est de la feuille qui a été cueillie sur les arbrisseaux les plus récemment plantés, ou, comme s’expriment les Chinois, de la première pointe des feuilles. C’est ce qu’ils appellent Mao tcha : on ne s’en sert guère que pour faire des présents, ou pour l’envoyer à l’empereur.
La seconde est des feuilles, dont la croissance est sensible. C’est celui qu’on vend sous le nom de bon Vou y tcha. Ce qui reste ensuite sur les arbrisseaux de feuilles, qu’on laisse grossir, fait la troisième espèce, qui est très bon marché.
On en fait encore une autre espèce de la fleur même ; mais il faut le commander, et avancer un prix excessif pour l’avoir. Les missionnaires géographes en ayant trouvé un peu par le moyen des mandarins, en firent préparer deux ou trois fois à la manière ordinaire, sans jamais remarquer aucun effet sensible : l’eau ne prit presque point de couleur, à peine avait-elle quelque goût et c’est apparemment pour cela que ce thé n’est pas en usage, non pas même dans le palais, ni pour la bouche de l’empereur. Le Thé impérial est celui que nous avons nommé avec les Chinois Mao tcha : on en trouve à vendre dans les lieux voisins des montagnes Song lo et Vou y pour 40 à 50 sols la livre.
À ces deux espèces de Thé ou de Tcha, on doit rapporter toutes les autres sortes, auxquelles on donne différents noms, comme sont le Lou ngan tcha, le Hai tcha, etc. Le Lou ngan tcha tire son nom de la ville de Lou ngan tcheou : quoique le bon Thé de cette espèce ne se trouve et ne se cultive que sur la pente des collines de la petite ville nommée Ho chan hien, qui en est éloignée de sept lieues. L’ayant examinée sur les lieux, on n’y remarqua aucune différence du Song lo tcha, ni dans la structure des feuilles, ni dans la manière dont on le cultive. S’il donne à l’eau une autre couleur, et si étant frais il paraît au goût un peu moins âpre ou moins corrosif, cela se peut attribuer à la diversité du terroir, dont l’effet est sensible dans plusieurs plantes, et surtout, comme on le voit en Europe, dans les vignes d’une même espèce de raisins, qui sont plus doux ou plus âpres dans les différents cantons d’une province assez petite, et encore plus dans les terres des provinces éloignées.
Les Chinois cependant trouvent que l’effet en est fort différent. Le Song lo est chaud et corrosif ; le thé Lou ngan n’est point corrosif, et est tellement tempéré qu’il n’est ni froid, ni chaud. Il est estimé propre à conser-