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ordinaires de quelques villes : aussi ces villages sont-ils plus jolis et plus riants que le commun de nos villages d’Europe.

Le 29 nous passâmes par Siao chan ville du troisième ordre : on juge qu’elle a été ainsi nommée, à cause d’une petite montagne qui se trouve dans un de ses faubourgs. Cette ville est aussi coupée de plusieurs canaux ; ses portes, aussi bien que celles de Chao hing, sont revêtues de plaques de fer.

Le 30 nous prîmes des chaises à une demie-lieue du Cien tang que nous passâmes en moins d’une heure et demie. Cette rivière a dans cet endroit environ quatre mille pas géométriques de largeur, les navires n’y peuvent entrer à cause de ses bas fonds. Son reflux est extraordinaire, une fois chaque année, vers la pleine lune du mois d’octobre.

Quand nous eûmes passé la rivière, nous reprîmes des chaises, fort propres, que les chrétiens de la ville de Hang tcheou avaient eu soin de faire conduire jusqu’au bord. Ils nous accompagnèrent comme en triomphe jusqu’à l’église, où nous trouvâmes le père Intorcetta, qui avait blanchi dans les travaux de la vie apostolique, et qui n’était pas moins vénérable par son mérite et sa vertu, que par son grand âge.

Comme nous étions appelés à la Cour, il nous fallut faire et recevoir plusieurs visites qui étaient indispensables. Pour aller de notre maison au palais du viceroi, nous passâmes une rue fort droite, large de 25 à 30 pieds, et longue depuis notre maison jusqu’à la porte par où l’on entre dans la ville des Tartares, d’environ une lieue. Le milieu est pavé de grandes pierres plates ; le reste est pavé comme les rues des villes d’Europe, mais sans talut.

Toutes les maisons ont un étage, et au-dessous des boutiques ouvertes sur la rue ; sur le derrière est le canal. Le peuple y paraît en foule comme dans les rues les plus peuplées de Paris, sans qu’on y voie aucune femme. Cette rue est ornée de plusieurs arcs de triomphe placés de distance en distance, qui font un très bel effet à la vue. Les autres rues, et surtout dans le quartier des soldats et des Tartares, sont bien différentes : les maisons dont elles sont bordées, ressemblent à celles des plus pauvres hameaux : aussi ne sont-elles pas à beaucoup près si peuplées que celle dont je viens de parler.

Nous visitâmes la sépulture des chrétiens ; tout ce quartier, qui est plein de montagnes, est semé de tombeaux dans l’espace de près de deux lieues. Nous allâmes ensuite sur le lac appelé Si hou que le père Martini dépeint comme un lieu délicieux. Les chrétiens nous y avaient fait préparer à dîner dans une grande barque, qui avait une salle et des appartements fort commodes.

Ce lac qui est d’une eau très claire, a plus d’une lieue et demie de circuit : il est bordé en quelques endroits de maisons assez agréables, mais médiocrement belles. Il faut sans doute que les Tartares, qui ont saccagé deux ou trois fois cette grande ville, aient ruiné la plupart de ces palais dont parle le père Martini.

Le 19 décembre nous prîmes congé des mandarins, et après avoir fait