Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/162

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embarquer nos caisses, nous fîmes notre prière à l’église où les chrétiens s’étaient assemblés. Ils nous firent fournir à chacun une chaise, et nous conduisirent, comme ils avaient fait à notre arrivée, jusqu’à la barque qui nous était destinée.

Nous passâmes par une rue d’un faubourg, qui a de longueur environ onze ou douze cents pas géométriques vers l’orient : comme nous n’allâmes pas jusqu’au bout, je ne pus pas juger jusqu’où elle pouvait s’étendre. Cette rue est plus étroite que celle dont j’ai parlé, mais elle est également droite ; les maisons y sont à deux étages et fort pressées. Nous y vîmes autant de monde, qu’on en voit dans les rues les plus fréquentées de Paris, et il n’y paraissait aucune femme.

La barque où nous entrâmes, quoiqu’elle ne fût que du troisième ordre, était très grande et également propre et commode. Elle avait plus de seize pieds de largeur sur environ soixante à quatre-vingt de longueur, et dix à douze pieds de hauteur de bord. Nous y avions une salle avec quatre chambres très commodes, sans compter la cuisine et l’endroit où nos domestiques se retiraient, et tout cela de plein pied. Les chambres et la salle étaient ornées en dedans de sculptures peintes et dorées, le reste était couvert de ce beau vernis, avec un plafond de divers panneaux peint à la manière chinoise.

Ce n’est pas seulement l’empereur qui fait faire de ces sortes de barques : les marchands en ont un grand nombre, dont ils se servent pour faire leur commerce dans les diverses provinces, par le moyen des rivières et des canaux dont le pays est coupé.

Nous avons vu de ces barques qui pouvaient être de deux cents tonneaux ; des familles entières y logent plus commodément que dans leurs maisons, qui certainement ne sont pas si propres.

Nous vîmes plus de quatre cents de ces barques sur le canal où nous nous embarquâmes. Ce canal qui est au nord-ouest de la ville, s’étend plus d’une grande lieue en ligne droite, et est large partout de plus de quinze toises. Il est revêtu de part et d’autre de pierres de taille, et bordé de maisons aussi serrées que dans les rues, et aussi pleines de monde. Il n’y en a pas moins dans les barques, dont les deux bords du canal sont couverts.

Nous fûmes arrêtés dans notre barque jusqu’au 20. Il fallut attendre le viceroi, qui voulut nous visiter, et nous remettre le cang ho ou l’ordre du ping pou, c’est-à-dire, du tribunal souverain pour la milice. Cet ordre portait, que soit que nous fissions notre voyage par eau ou par terre, on nous fournirait tout ce qui serait nécessaire pour être conduits à la Cour.

Ce fut donc le 21 au matin que nous partîmes de Hang tcheou. Le canal était partout d’environ 20 à 25 brasses, revêtu de pierres de taille de part et d’autre, et bordé de maisons pendant une grande demie lieue, et les deux bords remplis de grandes barques : nous en comptâmes plus de cinq cents.

Le canal hors du faubourg n’est revêtu de pierres que d’un côté, et de