Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/235

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entières, à accuser un viceroi soutenu par les Grands, sans se rebuter des délais et des oppositions, sans s’épouvanter des plus effrayantes menaces, et enfin forcer la cour à le dégrader, pour ne pas révolter les esprits, et ternir sa réputation.

Mais si dans cette espèce de combat entre le prince, et l’État, au nom duquel le censeur parle, le prince vient à céder, il reçoit aussitôt des louanges dans des placets publics, et est comblé d’éloges par tout l’empire. Les Cours souveraines de Peking lui en font leur remerciement, et ce qu’il a fait par justice, est regardé comme un singulier bienfait. C’est à ce bon ordre, qui s’observe à Peking et qui donne le branle aux autres villes, que l’empire est redevable de l’heureuse tranquillité, et de la longue paix dont il jouit. On peut encore l’attribuer à la favorable situation de la Chine, qui n’a pour voisins que des peuples peu nombreux, à demi-barbares, et incapables de rien entreprendre sur un si vaste royaume, s’il a ses forces bien unies sous l’autorité de son souverain. Les Mantcheoux qui l’ont conquis, profitèrent des troubles de l’État, qui était rempli de rebelles et de brigands, et furent introduits par les Chinois fidèles, qui voulaient venger la mort de l’empereur.

Je n’ai pu me dispenser de m’étendre assez au long sur cette capitale, parce qu’elle est comme l’âme de ce grand empire, qu’elle lui donne le mouvement, et qu’elle en entretient toutes les parties dans l’ordre ; je serai beaucoup plus court en parlant des autres villes, surtout de celles qui n’ont rien de particulier, qui les distingue du commun. J’ajouterai seulement, qu’outre la juridiction générale que Peking a sur tout l’empire, par les six Cours souveraines, elle a comme les autres capitales des provinces, un ressort particulier, qui comprend vingt-six villes, dont six sont du second ordre, et les vingt autres sont du troisième ordre.


PAO TING FOU. Seconde ville.


Cette ville est la demeure du viceroi de la province. Elle a vingt villes dans son district, dont trois sont du second ordre, et les dix-sept autres du troisième ordre. Son territoire est très agréable et également fertile. Au midi de la ville on découvre un petit lac célèbre par la quantité de ces fleurs qu’on y trouve, et que les Chinois appellent lien hoa. Ce sont des fleurs, lesquelles ressemblent assez au nénuphar ou nymphéa, qui sont peu estimées en Europe, mais dont on fait grand cas à la Chine, parce qu’elles sont bien différentes de celles d’Europe, en ce que les fleurs en sont doubles, que les couleurs en sont bien plus vives et plus variées, et qu’elles ont beaucoup d’autres qualités que j’explique ailleurs.

Il faut nécessairement passer par cette ville pour se rendre de Peking dans la province de Chan si : c’est une des plus belles et des plus agréables routes qu’on puisse tenir. Tout le pays est plat et cultivé, le chemin uni, et bordé d’arbres en plusieurs endroits, avec des murailles pour couvrir et garantir les campagnes : c’est un passage continuel d’hommes, de charrettes,