Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/355

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on ne laisse pas d’y voir d’assez beaux édifices. Les temples d’idoles, environnés de cellules de bonzes, ont quelque chose de singulier. La salle de Confucius, aussi bien que l’académie où les lettrés s’assemblent, pour faire leurs compositions, sont des morceaux curieux.

Les ya men ou palais des mandarins ont aussi leur beauté et leur grandeur, avec différence néanmoins de ce qu’en ce genre on appelle grand et beau en Europe.

La rivière est chargée, le long des deux rivages, d’une quantité prodigieuse de barques à rangs multipliés, qui sont les seules habitations d’un peuple infini, et qui sont une espèce de ville flottante : ces barques se touchent et forment des rues ; chaque barque loge toute une famille, et a, de même que les maisons, des compartiments pour tous les usages du ménage. Le petit peuple qui habite ces barques, sort dès le grand matin pour aller pêcher, ou travailler au riz, qu’on sème et qu’on recueille deux fois l’année.

A compter tout ce qui compose la ville de Canton, on prétend, comme je viens de le dire, qu’il y a au moins un million d’âmes : ce qui rend la chose croyable, c’est l’étendue de la ville, et la grande affluence du peuple, qui remplit sans cesse les rues, où il ne paraît presque jamais aucune femme.

Au bout de chaque rue se trouve une barrière, qui se ferme tous les soirs un peu plus tard que les portes de la ville. Ainsi il faut que chacun se retire en son quartier, aussitôt que le jour commence à manquer ; cette police de la Chine prévient bien des désordres, et il arrive que pendant la nuit tout est aussi tranquille dans les plus grandes villes, que s’il n’y avait qu’une seule famille.


CHAO TCHEOU FOU. Seconde ville.


C’est une ville située entre deux rivières navigables, qui se joignent à l’endroit où elle est bâtie, l’une qui vient de la ville de Nan hiong, et l’autre qui coule de la province de Hou quang. Le bord d’une de ces rivières, qui est au couchant, est joint à la ville par un pont de bateaux, et est fort habité. Tout ce pays, qui est semé de bourgades, est très fertile en riz, en herbages, en fruits, en bétail, et en poissons : mais l’air n’y est pas sain, et souvent depuis la mi-octobre jusqu’au mois de décembre, il y règne des maladies, qui enlèvent quelquefois un grand nombre de ses habitants. Elle a dans sa dépendance six villes du troisième ordre. Près d’une de ces villes il croît des roseaux noirs, dont on fait diverses sortes d’instruments, qu’on croirait être d’ébène.

A une lieue de Chao tcheou est un célèbre monastère de bonzes, qui étaient autrefois, à ce qu’on assure, au nombre de mille. On ne peut rien voir de plus agréable que sa situation. Du milieu de la grande montagne, nommée Nan hoa, où il est placé, on découvre un agréable désert, qui s’étend dans une vaste plaine, toute environnée de collines, sur la cime desquelles on a planté au cordeau des arbres fruitiers, et d’espace en espace des bocages d’un plan toujours vert. Toute la contrée d’alentour appartient