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faire bouillir le matin toute celle qu’ils doivent consommer pendant la journée.

L’île est du ressort de la province de Quang tong : Kiun tcheou fou sa capitale est située sur un promontoire, et les vaisseaux viennent mouiller jusque sous ses murs. Deux sortes de mandarins y commandent, comme dans les autres parties de la Chine : c’est-à-dire, des mandarins de lettres, et des mandarins d’armes, ou officiers de guerre. Trois villes du second ordre, et dix autres villes du troisième sont soumises à sa juridiction. Ces villes sont presque toutes sur le rivage.

La plus grande partie de l’île obéit à l’empereur de la Chine. Il n’y a que le pays du milieu nommé Li mou chan, ou Tchi chan, qui est indépendant. Il est habité par des peuples libres qui n’ont pas encore été conquis, et qui ne reconnaissent point l’autorité des mandarins. Obligés d’abandonner aux Chinois leurs plaines et leurs campagnes, ils se sont fait une retraite dans les montagnes du centre de l’île, où ils sont à couvert de toute insulte de la part de leurs conquérants.

Ces peuples ne laissaient pas d’avoir autrefois avec les Chinois une correspondance ouverte : ils exposaient deux fois par an l’or qu’ils avaient tiré de leurs mines, et leur bois d’aigle et de calamba si estimé de tous les orientaux. Un député allait examiner sur la frontière les toiles et les denrées des Chinois ; et les principaux de ceux-ci se rendaient à l’étalage préparé dans les montagnes. On convenait des prix, et après que les marchandises des Chinois y avaient été transportées, on leur remettait fidèlement les choses dont on était convenu. Les Chinois faisaient dans cet échange des profits immenses, dont les gouverneurs tiraient la meilleure partie.

L’empereur Cang hi informé de la quantité prodigieuse d’or, que ce commerce donnait à ses mandarins, eut plus d’un motif de défendre sous peine de mort à tous ses sujets, d’avoir communication avec ces peuples. Cependant quelques émissaires secrets des gouverneurs voisins, trouvent encore le moyen de pénétrer chez eux, mais ce qu’on en tire depuis trente ans par ce commerce caché, n’est rien en comparaison de ce qu’on en tirait autrefois.

Ces insulaires ne paraissent donc presque plus, à moins que le caprice ou le souvenir de leur ancienne liberté, ne les porte à faire irruption dans les villages voisins des Chinois. Ils ont quelquefois tenté d’en surprendre, mais ils sont si mal disciplinés et si peu courageux, que cinquante Chinois, quoiqu’assez mauvais soldats, en feront fuir mille : c’est assez qu’ils se montrent pour les mettre en déroute.

Il y a cependant de ces insulaires, qui plus dociles, se sont rendus tributaires des Chinois, auxquels on a laissé des villages entiers dans les plaines, parce qu’ils n’ont nulle communication avec ceux des montagnes.

Plusieurs autres servent les Chinois, gardent leurs troupeaux, labourent leurs terres, et sont sujets aux corvées communes ordonnées par les gouverneurs des différents lieux. On les voit répandus dans les campagnes de la partie orientale et méridionale de l’île. Généralement parlant ils sont très difformes, d’une taille fort petite, et d’une couleur rougeâtre.