Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/472

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persuasive, surtout lorsqu’il se récriait contre le luxe et l’indolence où vivait l’empereur.

Un grand physionomiste l’ayant rencontré, se jeta à ses pieds : — Aux traits de ton visage que j’ai examiné avec attention, lui dit-il, je reconnais que tu seras empereur, et je te rends par avance les respects qu’un sujet doit à son souverain : j’ai une fille, la plus belle et la plus sage de l’empire, je te l’offre en mariage, tant je suis sûr que ma prédiction s’accomplira un jour. Lieou pang, charmé de ce discours, accepta l’offre, et conclut au plus tôt le mariage.

Cependant le général, qui s’était révolté contre l’empereur, avait en vue de se faire roi de Tsou, et faisant avancer son armée vers une des places de ce royaume, il comptait de s’en rendre le maître en peu de temps.

Le gouverneur de la place effrayé du péril où il se trouvait, demanda du secours à Lieou pang. Celui-ci s’approcha de la ville avec son armée ; et par sa présence, et par la terreur qu’inspirait son nom, il écarta cet ennemi, et délivra la ville. Le gouverneur, bien loin de reconnaître ce service, ferma les portes de la place à son libérateur.

Lieou pang, informé par une lettre attachée à une flèche qu’on jeta dans son camp, que cette ingratitude avait excité une sédition dans la ville, en fit le siège, escalada les murailles, et le gouverneur ayant été tué dès la première attaque, il y entra triomphant avec son armée.

Les habitants se déclarèrent pour le vainqueur, lequel, de chef qu’il était de gens sans aveu, devint tout à coup général d’une grosse armée, et maître d’un riche butin. Il fit faire aussitôt des enseignes rouges, et prit des idées conformes à la prédiction que lui avait faite le physionomiste.

Cependant le trône de l’empereur était déjà fort ébranlé, sans qu’il songeât à sortir de la profonde léthargie où le plongeait l’amour des plaisirs. L’infidèle colao, loin de l’en tirer, irritait de plus en plus sa fureur par les conseils pernicieux qu’il lui donnait. Il supposait des crimes aux gouverneurs et aux ministres les plus attachés à la famille régnante, et ils étaient aussitôt exécutés à mort.

L’avarice et les cruautés de ce prince mirent les peuples au désespoir ; les villes et les provinces entières allaient au-devant de ceux qui voulaient s’en rendre les maîtres. On les regardait comme les vengeurs de la liberté publique. On vit se ressusciter en peu de temps tous les royaumes que l’habileté de Chi hoang ti avait éteints.

Dès la seconde année du règne de Eul chi, l’empire fut démembré par les différentes provinces qui s’en détachèrent, et qui élirent chacune leur souverain. On comptait les royaumes de Tsi, de Yen, de Tchao, de Guei et de Tsou.