Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/521

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jamais qu’on servît plus de huit mets à sa table, et qu’il chassa presque toutes les concubines de son palais. Mais ce qu’il y a eu de plus heureux pour ce prince, c’est que sous son règne la religion chrétienne ait pénétré dans son empire, comme on le verra dans la suite.

Il fit venir de tous côtés les meilleurs livres, et il devint en quelque sorte le restaurateur des sciences par le soin qu’il prit de rétablir dans son palais une académie pour les lettres. On y comptait huit mille disciples, parmi lesquels il y avait plusieurs enfants des princes étrangers. Il leur donna d’habiles maîtres, et entre ceux-là il y en avait dix-huit des plus excellents, qui présidaient aux études, et qu’on appelait Che pa hio sseë.

Il établit pareillement une académie militaire, où l’on s’exerçait à tirer de l’arc et il assistait lui-même très souvent à ces exercices. C’est ce qui ne fut pas du goût des ministres, qui ne pouvaient approuver que l’empereur parût dans cette académie. Ils lui en représentèrent l’indécence, et le danger qu’il y avait pour sa personne. « Je me regarde dans mon empire, répondit Tai tsong, comme un père dans sa famille, et je porte dans mon sein tous mes sujets, comme s’ils étaient mes enfants : qu’aurais-je à craindre ? »

Cette affection pour les sujets, lui faisait dire qu’il voulait que son peuple eût abondamment tout ce qui était nécessaire à la vie. « Le salut de l’empire ajouta-t-il, dépend du peuple. Un empereur qui foule et épuise son peuple pour s’enrichir est semblable à un homme qui couperait sa chair en petits morceaux pour s’en remplir l’estomac : il se remplit, il est vrai, mais il faut qu’en peu de temps tout le corps périsse. Combien d’empereurs dont la cupidité a causé leur perte ! Que de dépenses pour la satisfaire ! Pour fournir à ces dépenses, que d’impôts dont on surcharge le pauvre peuple ! Le peuple étant vexé et opprimé, que devient l’empire ? N’est-il pas sur le penchant de sa ruine ? Et l’empire périssant, quel est le sort de l’empereur ? Ce sont ces réflexions ajouta-t-il, qui me servent de frein pour modérer mes désirs. »

Il avait défendu aux magistrats, sous peine de la vie, de recevoir des présents. Pour s’assurer de l’exécution de ses ordres, il fit tenter un mandarin par un homme qu’il aposta pour lui faire un présent : ce mandarin le reçut, et l’empereur en étant informé, le condamna à mort.

Sur quoi son colao lui dit : « Grand prince, votre arrêt est juste, et le mandarin mérite la mort : mais vous, qui lui avez tendu un piège pour le faire tomber dans la faute qu’il a commise, êtes-vous tout à fait innocent, et ne participez-vous pas à son crime ? » Cette remontrance eut son effet, et l’empereur pardonna au coupable.

L’année suivante un des plus grands mandarins de guerre, reçut pareillement un habit de soie, dont on lui fit présent. L’empereur,