Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/524

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nommé Guei tching lui défendit de paraître en sa présence. L’impératrice, qui en fut informée, prit aussitôt ses plus riches parures, et alla trouver son mari. « Prince, lui dit-elle, j’ai souvent ouï dire que quand un empereur a de la sagesse et de la pénétration, ses sujets ont de la droiture, et ne craignent point de dire la vérité. Vous avez un colao d’un esprit droit et incapable de dissimuler ; c’est ce qui me fait juger quelle est votre sagesse, et combien elle mérite d’être applaudie ; et c’est pourquoi je viens vous en féliciter, et vous en témoigner ma joie. » Ce compliment apaisa l’empereur, et le ministre fut rétabli dans sa première faveur.

Cette princesse avait composé un livre divisé en trente chapitres, sur la manière dont on doit se gouverner dans l’appartement intérieur des femmes. L’empereur le tenant entre ses mains, et fondant en larmes : « Voilà, dit-il, des règlements qui devraient s’observer dans tous les siècles. Je sais, ajouta-t-il, que l’affliction où je suis, m’est venue du Ciel, et qu’il n’y a point de remède. Mais quand je pense à la perte que j’ai faite d’une compagne si fidèle et si accomplie, que je me vois privé pour toujours de ses sages conseils, m’est-il possible de retenir mes larmes ? » Il voulut laisser un monument éternel de sa douleur, et pour cela il lui fit élever un mausolée, beaucoup plus magnifique que celui qu’il avait ordonné pour son père, qui était mort l’année précédente.

Un jour se trouvant avec son colao sur une éminence, d’où l’on apercevait ce mausolée, et le lui ayant fait remarquer, le colao fit semblant de ne pas l’apercevoir. « Prince, lui dit-il, je croyais que vous me montriez le sépulcre de votre père ; car pour celui de votre épouse, il y a longtemps que je l’ai vu. »

À ce discours, le prince ne put s’empêcher de pleurer, et touché du secret reproche que lui faisait son ministre, il fit abattre le mausolée. Tant il est vrai que parmi les Chinois la piété filiale l’emporte sur l’amour conjugal.

L’année onzième de son règne, il admit dans le palais une jeune fille de quatorze ans, nommée Vou chi, qui était d’une rare beauté, et qui brillait encore davantage par les agréments de son esprit. C’est cette fille qu’on verra dans la suite usurper la souveraine puissance, et gouverner tyranniquement l’empire.

L’année douzième l’empereur permit de publier la loi chrétienne dans son empire ; il accorda même un emplacement dans la ville impériale, pour y élever un temple au vrai Dieu.

Guei tching, colao de l’empire, mourut l’année 17e extrêmement regretté de l’empereur. Ce prince écrivit lui-même son éloge, et le fit graver sur son tombeau. Ensuite se tournant vers ses courtisans : « Nous avons, dit-il, trois sortes de miroirs, l’un est d’acier qui sert aux dames à orner leur tête et à se parer. Le second que j’appelle ainsi sont les anciens livres où on lit la naissance, le progrès et la décadence des empires. Enfin le troisième, ce sont les