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médecine, et de l’anatomie. Les pères Gerbillon, Bouvet, et Thomas furent occupés pendant plusieurs années, à composer leurs leçons en langue tartare, et à les lui expliquer deux fois par jour, soit qu’il fût à Peking, soit qu’il fût à la maison de plaisance. Il voulut pareillement que le père Gerbillon le suivit dans tous ses voyages en Tartarie.

Comme la religion chrétienne n’était que tolérée à la Chine, elle n’était pas à couvert des persécutions qu’on lui suscitait dans les provinces. Il s’en éleva une des plus cruelles dans la province de Tche kiang ; les pères qui étaient à la cour, présentèrent une requête à l’empereur, et après bien des contradictions de la part des tribunaux, ils obtinrent enfin par la protection du prince So san parent de l’empereur, un édit qui en faisait l’éloge, et en permettait le libre exercice dans tout l’empire.

Cet édit fut porté la neuvième année du cycle, qui était l’année 1692 de l’ère chrétienne, et la trente-unième du règne de Cang hi qui le confirma le 22 mars, et le fit publier peu après dans toutes les provinces.

Une grâce si signalée, fut suivie quelque temps après d’une autre qu’on n’eût pas dû espérer. L’empereur accorda aux pères Gerbillon et Bouvet un vaste emplacement dans l’enceinte de son propre palais, pour y bâtir une maison et une église. Il fournit même, et de l’argent, et une partie des matériaux pour la construction de ces deux édifices, et nomma des mandarins pour y présider. En quatre ans tout fut achevé, et ce fut la dix-neuvième année du cycle, c’est-à-dire, l’an 1701 que se fit l’ouverture de l’église, et qu’elle fut solennellement bénite.

La vingt-sixième année du cycle fut remarquable par un événement des plus singuliers. Le second fils de l’empereur nommé son héritier, qui allait presque de pair avec lui, fut tout à coup déposé et chargé de fers ; ses enfants et ses principaux officiers furent enveloppés dans la disgrâce ; un faiseur d’horoscope, qui avait prédit au prince qu’il ne serait jamais empereur, s’il ne l’était à une certaine année qu’il lui marquait, fut condamné à être coupé en mille pièces. Les gazettes publiques furent remplies de manifestes et d’invectives contre la conduite du prince dont on examinait la vie depuis son enfance.

Peu après son innocence fut découverte, et l’on sut que le fils aîné, pour rendre la fidélité de son frère suspecte, avait eu recours à la magie et à divers prestiges par le secours de certains lamas, expérimentés dans l’usage des sortilèges. On fit mourir ces lamas ; le fils aîné fut condamné à une prison perpétuelle, et le prince son cadet fut rétabli dans sa qualité de prince héritier. On donna des marques publiques de réjouissance, et l’on joua pendant quelque temps une comédie tirée d’un trait d’histoire ancienne, qui avait rapport à cet événement.