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et qui ont inspection non seulement sur tout l’empire, mais encore chacun d’eux sur une province, sont les plus redoutés de tous les grands mandarins. Comme ces censeurs sont très vigilants, et ont leurs espions, ils ne peuvent guère ignorer ce qui s’y passe, et il est de leur intérêt que le bon ordre y règne. Si quelque mandarin manque à son devoir, dans quelque chose d’important pour le repos du peuple, et que le viceroi n’en avertisse pas au plus tôt, ils sont obligés d’en informer les Cours souveraines et l’empereur par une accusation publique, quand même ils n’auraient que des demi-preuves de ce qu’ils avancent : et s’ils sont les premiers par qui l’empereur apprenne le désordre, cela leur fait beaucoup d’honneur. S’ils y manquent, ils s’exposent à une réprimande de l’empereur, et même à perdre leur charge. On n’exige d’eux aucune preuve bien certaine, il suffit que leur dénonciation ait une apparence de vérité, qui puisse donner lieu aux informations qu’ensuite on a coutume de faire.

La crainte qu’on a de ces censeurs publics, est peut-être ce qui contribué le plus à maintenir l’ordre et les coutumes anciennes, et à prévenir les troubles et les mouvements causés d’ordinaire par l’amour de la nouveauté, dont le peuple n’est que trop susceptible. Ce qui d’ailleurs leur donne de l’autorité, c’est que s’il leur arrive d’être maltraités, ou par les intrigues des Grands qu’ils accusent, ou par les empereurs qui s’offensent des avis que leur charge les oblige de leur donner, toute la nation les regarde comme les pères de la patrie, et, s’il est permis d’employer ce terme, comme les martyrs du bien public. On trouve souvent dans quelques-uns de ces censeurs une intrépidité, qui fait voir que cette nation a beaucoup de grandeur d’âme.

Au reste, quoique le gouverneur de la province ait sous lui les quatre grands officiers, dont nous venons de parler, et que les mandarins des justices subalternes aient toujours un et quelquefois deux assesseurs, les affaires toutefois ne sont point ordinairement jugées à la pluralité des voix : chaque magistrat, grand ou petit, a son tribunal ou yamen, et dès qu’il s’est fait instruire par les parties, après quelques procédures en petit nombre, dressées par les greffiers, huissiers, et autres gens de pratique, il prononce tel arrêt qui lui plaît. Quelquefois après avoir jugé les deux parties, il fait encore donner la bastonnade à celui qui a perdu son procès, pour l’avoir intenté mal à propos, ou soutenu contre toute apparence de bon droit.


Châtiments ordinaires.

La bastonnade est une peine ordinaire, dont on châtie le peuple. Elle ne peut être imposée à un mandarin, quelque peu considérable qu’il soit, s’il n’est auparavant destitué de son emploi ; ce qui n’empêche pas néanmoins le cours de la justice du viceroi de la province, puisqu’il a le pouvoir de le casser dans certaines occasions, sans attendre la réponse des Cours souveraines, auxquelles il est seulement obligé de rendre compte des raisons qu’il a eues d’en user de la sorte.

Pour l’ordinaire les Cours souveraines se conforment à son rapport, et souvent même ordonnent qu’on fasse le procès du coupable ; mais il peut se rendre à Peking pour y justifier sa conduite, en présentant sa requête