Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/136

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très grand ordre ; les ministres d’État, les chefs des Cours souveraines, les régulos, et les princes du sang, tout cela a un air de grandeur extraordinaire, et qui donne une haute idée du souverain, auquel on rend de si profonds respects. On n’y dispute jamais du rang, chacun sait distinctement se placer ; le nom de chaque charge est gravé sur des lames de cuivre enclavées dans le pavé de marbre.


Voyages des mandarins.

Ce n’est pas dans les voyages qu’on cherche en Europe à paraître magnifique ; on y est au contraire fort négligé et assez mal en ordre. On a une autre méthode à la Chine ; un grand mandarin ne voyage qu’avec pompe et avec appareil. Si c’est en barque, il monte lui-même une barque superbe, et il a à sa suite un grand nombre d’autres barques qui portent tout son train. S’il fait son voyage par terre, outre les domestiques et les soldats qui le précédent et qui le suivent avec des lances et des étendards, il a pour sa personne, une litière, une chaise portée par des mulets, ou par huit hommes, et plusieurs chevaux en laisse. Il se sert de ces voitures tour à tour, selon sa commodité et les divers changements de temps.

J’ai déjà dit que la Chine est toute coupée de canaux larges et profonds, et souvent tirés au cordeau : il y a ordinairement dans chaque province une grande rivière, ou un large canal renfermé entre deux levées revêtues de pierres plates ou de marbre, qui tient lieu de grand chemin : celui qu’on appelle le grand canal, traverse tout l’empire depuis Canton jusqu’à Peking, et rien n’est plus commode que de faire six cents lieues depuis la capitale jusqu’à Macao, comme si l’on était dans sa propre maison, sans aller par terre qu’une seule journée, pour traverser la montagne de Mei lin, qui sépare la province de Kiang si de celle de Quang tong. On peut même éviter cette journée, et continuer sa route en barque, surtout lorsque les eaux sont grandes.

C’est pourquoi les mandarins qui vont prendre possession de leur gouvernement, et les envoyés de la cour, font le plus souvent leur voyage par eau. On leur fournit une de ces barques qui sont entretenues par l’empereur, et dont la grandeur égale celle de nos vaisseaux du troisième rang.


Des barques.

Ces barques impériales sont de trois ordres différents, et rien n’est plus propre : elles sont peintes, dorées, historiées de dragons et enduites de vernis en dedans et par dehors. Les médiocres dont on se sert plus communément, ont plus de seize pieds de large sur environ quatre-vingt de long, et neuf de hauteur de bord. La forme en est carrée et plate, excepté la proue qui va en s’arrondissant.

Outre l’appartement du patron de la barque qui a sa famille, sa cuisine, deux grandes places, une à l’avant, et l’autre à l’arrière, il y a une salle haute de six à sept pieds, et qui en a onze de largeur, ensuite une antichambre et deux ou trois chambres avec un réduit sans ornements, tout cela de plein pied : c’est ce qui fait l’appartement du mandarin. Tout est vernissé de ce beau vernis de la Chine blanc et rouge, avec quantité de sculptures, de peintures, et de dorures au plafond et sur ses côtés. Les tables et les chaises sont vernissées de rouge ou de noir. La salle a des deux côtés des fenêtres, qui peuvent s’ôter quand on le juge à propos. Au lieu de vitres, on