Ces barques ont leurs rameurs, et en cas de besoin sont aussi tirées à la corde le long du rivage, par un certain nombre d’hommes, que les mandarins de chaque ville fournissent, et qui se changent tous les jours. Le nombre de ces hommes se détermine suivant le nombre des chevaux marqués sur le cang ho, ou patente de l’empereur, savoir, trois hommes par cheval : en sorte que si l’on a marqué huit chevaux pour un envoyé, on lui fournira vingt-quatre hommes pour tirer sa barque.
Sur la route d’eau, il y a de lieue en lieue des tang, ou corps de garde, posés à une certaine distance les uns des autres, afin que dans le besoin ils puissent se donner réciproquement les avis nécessaires par des signaux. Ils donnent ces signaux le jour, par le moyen d’une épaisse fumée, qu’ils font élever en l’air en brûlant des feuilles et des branches de pin, dans trois petits fourneaux de figure pyramidale, et percés en haut. La nuit ces signaux se donnent par le bruit d’une petite pièce d’artillerie. Les soldats de chaque tang, qui sont au nombre tantôt de dix, tantôt de cinq, ou quelquefois moins selon les lieux, se rangent d’ordinaire en haie le long du rivage, par respect pour le mandarin : l’un d’eux tient l’enseigne déployée, les autres sont dans la posture que demandent les armes qu’ils portent.
Si c’est un envoyé, on met à la proue et à la poupe de ces barques quatre fanaux, où l’on lit en grands caractères d’or ces paroles, Kin tchai ta gin, c’est-à-dire, grand envoyé de la cour. Ces inscriptions sont accompagnées de banderoles et d’étendards de soie de diverses couleurs, qui voltigent au gré du vent.
Toutes les fois qu’on jette l'ancre comme il arrive sur le soir ou qu’on la lève le matin pour partir, le corps de garde salue le mandarin d’une décharge de boîtes, à laquelle les trompettes répondent par plusieurs fanfares. Lorsque la nuit approche, on allume les fanaux à la poupe et à la proue, de même que treize autres lanternes plus petites, qui sont suspendues en forme de chapelet le long du mât, savoir, dix en bas en ligne perpendiculaire, et trois autres en haut en ligne horizontale.
Dès que les lanternes sont allumées, le capitaine du lieu se présente vis-à-vis des barques avec sa troupe, et il compte à haute voix les hommes qu’il a amenés, pour veiller et faire la sentinelle toute la nuit : alors le patron de la barque prononce une longue formule, par laquelle il explique en détail tous les accidents qui sont à craindre comme le feu, les voleurs, etc. et avertit les soldats, que si quelqu’un de ces accidents arrivait, ils en seront responsables.
Les soldats répondent à chaque article par un grand cri ; après quoi ils se retirent comme pour former un corps de garde, et laissent l’un d’eux qui fait la sentinelle, et qui se promenant sur le quai frappe continuellement deux bâtons de bambou l’un contre l’autre, afin qu’on ne doute point de sa vigilance, et qu’on soit sûr qu’il ne s’est pas endormi. Ces sentinelles se relèvent d’heure en heure, et font le même bruit et le même manège pendant toute la nuit, chacune à son tour. Si c’est un grand mandarin, ou un grand seigneur de la cour, on lui rend les mêmes honneurs.