Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/146

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treille de raisins rouges était représentée ; la treille brûlait sans se consumer. Le cep de la vigne, les branches, les feuilles, et les grains ne se consumaient que très lentement. On voyait les grappes rouges, les feuilles vertes, et la couleur du bois de la vigne y était aussi représentée si naturellement qu’on y était trompé.

On en jugera encore mieux par la description de celui que le feu empereur Cang hi fit tirer pour le divertissement de sa cour : ceux de nos missionnaires qui étaient à la suite en furent témoins. L’artifice commença par une demi-douzaine de gros cylindres plantés en terre, qui formaient en l’air comme autant de jets de flammes à la hauteur de douze pieds, et retombaient ensuite en pluie d’or ou de feu.

Ce spectacle fut suivi d’un grand caisson d’artifice guindé à deux grands pieux, ou colonnes, d’où il sortit une pluie de feu, avec plusieurs lanternes, des écriteaux en gros caractères de couleur de flamme de soufre, et enfin une demie douzaine de lustres, en forme de colonnes, à divers étages de lumières, rangées en cercle, blanches, et argentines, qui étaient très agréables à la vue, et qui tout à coup firent de la nuit un jour très clair.

Enfin l’empereur mit de sa propre main le feu au corps de l’artifice, et en peu de temps le feu passa dans tous les quartiers de la place, qui avait quatre-vingt pieds de long, sur quarante ou cinquante de large. Le feu s’étant attaché à diverses perches, et à des figures de papier plantées de tous côtés, on vit une multitude prodigieuse de fusées faire leur jeu en l’air, avec un grand nombre de lanternes et de lustres, qui s’allumèrent par toute la place.

Ce jeu dura plus d’une demie heure, et de temps en temps il paraissait en quelques endroits des flammes violettes et bleuâtres, en forme de grappes de raisins attachées à une treille, ce qui joint à la clarté des lumières, qui brillaient comme autant d’étoiles, faisaient un spectacle très agréable.

Entre les cérémonies qu’ils observent, il y en a une remarquable. Dans la plupart des maisons les chefs de famille écrivent en gros caractères sur une feuille de papier rouge, ou sur une planche vernissée, les lettres suivantes Tien ti, san kiai, che fan, van lin, tchin tçai, dont voici le sens : au véritable gouverneur du ciel, de la terre, des trois bornes[1], des dix mille intelligences[2] ; les hommes sont compris dans ce terme de lin. Ce papier est tendu sur un châssis, ou appliqué sur une planche : ils l’élèvent dans la cour sur une table, où ils rangent du blé, du pain, de la viande, ou autre chose de cette nature, puis se prosternant à terre ils offrent des bâtons de pastille.

  1. C’est-à-dire, du Monde universel
  2. C’est-à-dire, d’une multitude innombrable