Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/152

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trois fois. Fo qui signifie bonheur, est un mot dont ils se servent communément dans les honnêtetés qu’ils se font les uns les autres.

Si quelqu’un est nouvellement arrivé, ils lui demandent d’abord na fo si toutes choses ont bien été pendant son voyage. Quand on leur demande comment ils se portent : fort bien, répondent-ils, grâce à votre abondante félicité : cao lao ye hung fo. Lorsqu’ils voient un homme qui se porte bien, ils lui disent yung fo, comme qui dirait, la prospérité est peinte sur votre visage, vous avez un visage heureux.

Dans les villages comme dans les villes, on garde pareillement toutes les bienséances qui conviennent au rang d’un chacun ; soit qu’ils marchent ensemble, soit qu’ils se saluent, les termes dont ils se servent sont toujours pleins de respect et de civilité.

Quand, par exemple, on se donne quelque peine pour leur faire plaisir, fei sin, disent-ils, vous prodiguez votre cœur. Si on leur a rendu quelque service, sie pou tsin, mes remerciements ne peuvent avoir de fin. Pour peu qu’ils détournent une personne occupée, fan lao, je vous suis bien importun ; te tsoui, c’est avoir fait une grande faute, que d’avoir pris cette liberté. Quand on les prévient de quelque honnêteté, pou can, pou can, pou can, je n’ose, je n’ose, je n’ose c’est-à-dire, souffrir que vous preniez cette peine pour moi. Si l’on dit quelque parole tant soit peu à leur louange, ki can, comment oserais-je ; c’est-à-dire, croire de telles choses de moi. Lorsqu’ils conduisent un ami à qui ils ont donné à manger, yeou man, ou bien tai man, nous vous avons bien mal reçu, nous vous avons bien mal traité.

Les Chinois ont toujours à la bouche de semblables paroles, qu’ils prononcent d’un ton affectueux ; mais il ne s’ensuit pas de là que le cœur y ait beaucoup de part. Parmi les gens même du commun, ils donnent toujours le premier rang aux personnes les plus âgées : si ce sont des étrangers, ils le donnent à celui qui vient de plus loin, à moins que le rang ou la qualité de la personne, n’exigeât le contraire : dans les provinces où la main droite est la plus honorable[1], ils ne manquent pas de la donner.

Quand deux mandarins se rencontrent dans la rue, ce qu’ils évitent le plus qu’ils peuvent, s’ils sont d’un rang fort différent ; mais s’ils sont d’un rang égal, ils se saluent mutuellement sans sortir de leur chaise, et sans même se lever, en baissant les mains jointes, et les relevant jusqu’à la tête, ce qu’ils recommencent plusieurs fois, jusqu’à ce qu’ils aient cessé de se voir. Si l’un d’eux est d’un rang inférieur, il fait arrêter sa chaise ; ou s’il est à cheval, il met pied à terre, et fait une profonde révérence au mandarin son supérieur.

Rien n’est comparable au respect que les enfants ont pour leurs pères, et les disciples envers leurs maîtres : ils parlent peu et se tiennent debout en leur présence ; leur coutume est, surtout en certains jours, comme au commencement de l’année, au jour de leur naissance, et en diverses autres occasions, de les saluer en se mettant à genoux, et battant plusieurs fois la terre du front.

  1. Il y en a d’autres, où c’est la gauche