Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/164

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les invitèrent à mettre pied à terre, et les conduisirent dans un cong quan ou grand hôtel fort propre, lequel est sur le bord de la rivière.

Quand ils furent arrivés au milieu de la seconde cour, le viceroi avec tous les mandarins qui l’accompagnaient, s’étant mis à genoux vis-à-vis de la grande salle au bas du grand escalier, se tourna vers eux, et demanda en cérémonie au nom de la compagnie, des nouvelles de la santé de l’empereur[1], sur quoi Tong lao ye les ayant satisfait, le viceroi et les mandarins se levèrent.

On fit entrer les envoyés dans la salle, où l’on avait préparé deux rangs de fauteuils, sur lesquels on s’assit dans l’ordre qu’on y était entré. Aussitôt on leur présenta du thé à la tartare et à la chinoise, qu’on but en cérémonie, c’est-à-dire, que chacun de la compagnie tenant de la main droite la coupe de thé tartare, fit une inclination profonde au viceroi qui faisait ce régal, avant que de boire, et après avoir bu. Pour ce qui est du thé chinois, la coutume est de prendre la tasse des deux mains, et de la porter jusqu’à terre en faisant une inclination profonde, après quoi on boit peu à peu à diverses reprises, tenant la tasse de la main gauche.

Après ce premier régal, le viceroi et le général des armes se levant avec toute la compagnie, présentèrent aux envoyés des tie tsëe ou billets des présents, qu’ils devaient leur faire de provisions pour mettre sur leurs barques ; ensuite ils les convièrent à se mettre à table. Le dîner était préparé au fond de la salle, où il y avait deux rangs de tables qui se répondaient les unes aux autres. Le festin se fit partie à la tartare, partie à la chinoise ; ainsi l’on se dispensa d’une grande partie des cérémonies gênantes, qu’on observe dans les festins chinois. Le festin étant fini, les envoyés se rembarquèrent.

Peu après les grands mandarins leur envoyèrent des billets de visite, et ils vinrent ensuite en personne les uns après les autres. Le tchi fou gouverneur de la ville, accompagné des deux tchi hien ou présidents des deux tribunaux subalternes, imitèrent l’exemple des grands mandarins. Ces visites étaient accompagnées d’autant de tie tsëe ou billets de présents, qu’ils devaient leur faire en provisions et en rafraîchissements.


Présents qu'on reçoit à cette occasion.

Sur la route d’eau, au lieu de tables couvertes de mets, que les mandarins des lieux tiennent prêtes, pour régaler le kin tchai, la coutume est d’envoyer de semblables provisions sur la barque qui l’accompagne. On peut juger de la nature de ces présents par celui que fit le viceroi, dont voici la liste : deux mesures ou boisseaux de riz blanc et fin, deux mesures de farine, un cochon, deux oies, quatre poules, quatre canards, deux paquets d’herbages de mer, deux paquets de nerfs de cerfs[2], deux paquets des entrailles d’un certain poisson de mer, deux paquets de seiche ou de me yu, c’est-à-dire, poisson à l’encre, et deux jarres de vin. Les présents des autres mandarins étaient à peu près les mêmes pour la qualité.

  1. Il n’y a que les officiers de ce rang qui aient droit de s’informer ainsi en cérémonie, de la santé de l’empereur
  2. Ces nerfs décharnés et déficelés, passent à la Chine pour un mets exquis.