Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/186

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On n’enterre point plusieurs personnes, même les parents, dans une même fosse, tant que le sépulcre garde sa figure. On vient quelquefois de fort loin visiter les sépulcres, pour examiner à la couleur des ossements, si un étranger a fini sa vie par une mort naturelle, ou par une mort violente ; mais il faut que ce soit le mandarin qui préside à l’ouverture du cercueil, et il y a dans les tribunaux de petits officiers, dont l’emploi est de faire ce discernement ; ils y sont très habiles. Il s’en trouve qui ouvrent les sépulcres pour dérober des joyaux, ou des habits précieux : c’est un crime à la Chine qui est puni très sévèrement.

Les sépultures sont donc hors des villes, et autant qu’on le peut, sur des hauteurs ; souvent on y plante des pins et des cyprès. Jusqu’à environ une lieue de chaque ville, on trouve des villages, des hameaux, des maisons dispersées çà et là, et diversifiées de bosquets, et d’un grand nombre de petites collines couvertes d’arbres, et fermées de murailles : ce sont autant de sépultures différentes, lesquelles forment un point de vue qui n’est pas désagréable.

La forme des sépulcres est différente selon les différentes provinces : la plupart sont bien blanchis, faits en forme de fer à cheval, et d’une construction assez jolie, On écrit le nom de la famille sur la principale pierre. Les pauvres se contentent de couvrir le cercueil de chaume, ou de terre élevée de cinq à six pieds, en espèce de pyramide. Plusieurs enferment le cercueil dans une petite loge de brique, en forme de tombeau.

Pour ce qui est des Grands et des mandarins, leurs sépulcres sont d’une structure magnifique ; ils construisent une voûte, dans laquelle ils renferment le cercueil ; ils forment au-dessus une élévation de terre battue, haute d’environ douze pieds, et de huit ou dix pieds de diamètre, qui a à peu près la figure d’un chapeau ; ils couvrent cette terre de chaux et de sable, dont ils font un mastic, afin que l’eau n’y puisse point pénétrer. Autour ils plantent avec ordre et symétrie, des arbres de différentes espèces. Vis-à-vis est une grande et longue table de marbre blanc et poli, sur laquelle est une cassolette, deux vases, et deux candélabres aussi de marbre, et très bien travaillés ; de part et d’autre on range en plusieurs files quantité de figures d’officiers, d’eunuques, de soldats, de lions, de chevaux sellés, de chameaux, de tortues, et d’autres animaux en différentes attitudes, qui marquent du respect et de la douleur : car les Chinois sont habiles à donner de l’âme aux ouvrages de sculpture, et à y exprimer toutes les passions.

On voit beaucoup de Chinois, qui pour donner de plus grands témoignages de leur respect et de leur tendresse pour leurs pères décédés, gardent trois ou quatre ans leurs cadavres ; tout le temps que dure le deuil, ils n’ont point d’autre chaise pour s’asseoir pendant le jour, qu’un escabeau couvert d’une serge blanche, et la nuit ils se couchent auprès du cercueil, sur une simple natte faite de roseaux. Ils s’interdisent tout usage de viandes et de vin ; ils ne peuvent assister à aucun repas de cérémonie, ni se trouver dans aucune assemblée publique. S’ils sont obligés de sortir en ville, ce qu’ils