Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/197

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qui appliquent les uns après les autres chacun cinq coups du pan tsëe sur la chair nue du coupable. On change d’exécuteur de cinq coups en cinq coups, ou plutôt deux exécuteurs frappent alternativement chacun cinq coups, afin qu’ils soient plus pesants, et que le châtiment soit plus rude.

Il est néanmoins à remarquer que quatre coups sont toujours réputés pour cinq, et c’est ce qui s’appelle la grâce de l’empereur, qui comme père, par compassion pour son peuple, diminue toujours quelque chose de la peine. Il y a un moyen de l’adoucir, c’est de gagner par argent ceux qui frappent : ils ont l’art de se ménager de telle sorte, que les coups ne portent que légèrement, et que le châtiment devient presque insensible. Un jeune Chinois ayant vu son père condamné à cette peine, et prêt à la souffrir, se jeta sur lui pour recevoir les coups, et toucha si fort le juge par cette action de piété, qu’il fit grâce au père, en considération du fils.

Ce n’est pas seulement dans son tribunal, qu’un mandarin a le pouvoir de faire donner la bastonnade ; il a le même droit en quelque endroit qu’il se trouve, même hors de son district ; c’est pourquoi quand il sort, il a toujours dans son cortège des officiers de justice, qui portent des pan tsëe.

Pour un homme du peuple, il suffit de n’avoir pas mis pied à terre à son passage, si l’on est à cheval ; ou d’avoir traversé la rue en sa présence, pour recevoir cinq ou dix coups de bâtons par son ordre ; l’exécution est si prompte, qu’elle est souvent faite avant que ceux qui sont présents s’en soient presque aperçus. Les maîtres usent du même châtiment à l’égard de leurs disciples, les pères à l’égard de leurs enfants, et les seigneurs pour punir leurs domestiques, avec cette différence que le pan tsëe est moins long et moins large.


De la cangue ou carcan.

Un autre châtiment moins douloureux mais plus infâmant, est une espèce de carcan auquel on attache le coupable et que les Portugais ont appelé la cangue. Cette cangue est composée de deux morceaux de bois échancrés au milieu, pour y insérer le col du coupable : dès qu’il y a été condamné par le mandarin, on prend ces deux morceaux de bois, on les pose sur ses épaules, et on les unit ensemble, de manière qu’il n’y a de place vide que pour le col. Alors le patient ne peut ni voir ses pieds, ni porter la main à la bouche, et il a besoin du secours de quelqu’un pour lui donner à manger. Il porte nuit et jour ce désagréable fardeau, qui est ou plus pesant, ou plus léger, selon la grièveté ou la légèreté de la faute que l’on punit.

Il y a de ces cangues qui pèsent jusqu’à deux cents livres, et qui de leur poids accablent le criminel, de sorte que quelquefois le chagrin, la confusion, la douleur, le défaut de nourriture, de sommeil, lui causent la mort. On en voit de trois pieds en carré et d’un bois épais de cinq ou six pouces. Les ordinaires pèsent cinquante à soixante livres.

Les patients ne laissent pas de trouver différents moyens d’adoucir ce supplice ; les uns marchent accompagnés de leurs parents ou de leurs amis, qui soulèvent la cangue par les quatre coins, afin qu’elle ne porte pas sur les